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DEMOCRITE, atomiste dérouté
28 septembre 2006

Le sens de la fête

Aujourd’hui, c’est la fête dans mon établissement ; étrange fête s’il en est, puisque toute une série d’activités non négociées s’imposent de facto à toute la "communauté" scolaire qui, au passage, n’a rien d’une communauté tant les divisions et les violences symboliques s’expriment dès qu’une tension passagère vient menacer quelques intérêts particuliers. Bref, fête imposée dont la festivité n’a d’égale que la triste mine des enseignants-accompagnateurs qui se demandent au fond d’eux-mêmes quel est le sens réel de toute cette farce collective. Car c’est un fait et non une fête, nous ne savons pas ce que nous fêtons ni la raison réelle de cette étrange mobilisation décidée par quelques-uns et appliquée à tous. Les élèves suivent, comme toujours, trop heureux d’échapper momentanément aux contraintes des emplois du temps et des espaces clos et saturés de leur salle de cours. Tous sont répertoriés, fichés et comptabilisés, listés, gérés comme il se doit, dans ces grands moments de bouleversements à haut risque où chacun sent bien le caractère potentiellement explosif et subversif de ces festivités ! Une conférence sur le développement durable, une sortie dans un parc voisin (sans même en connaître la raison ni pour quelles fins), et autres fariboles terriblement risquées pour l’équilibre et la stabilité de la collectivité.

Si l’esprit de la fête est ici pathétiquement dévitalisé, c’est qu’il traduit le fort nivellement d’une signification historiquement chargée. C’est qu’ici la fête n’est que le prétexte à une agitation de type kermesse périéducative sans que la démarche initiée n’ait quelques rapports que ce soit avec l’enseignement, le renversement des rôles pour mieux les construire, la transgression symbolique des valeurs transmises, la mise en scène tragique du sens des examens et des études, la dévaluation intentionnelle de la haute signification du savoir ou une heureuse moquerie de la culture, des évaluations intempestives et discriminatoires, ou encore quelques parodie du citoyen pour mieux en célébrer le sens. Rien de tout cela ! Nous jouons le rôle de vagues animateurs de MJC dans une démarche qui ne structure en rien le corps social ni ne l’unifie par l’émergence d’une volonté collective.

Voilà les nouvelles tendances de l’éducation nationale qui, du reste, ne sont pas l’appanage de quelques établissements scolaires à la marge, mais qui traduisent les dérives majeures d’une superstructure dont les missions se dessinent de plus en plus en dehors de l’espace scolaire initial et loin de toutes ses vocations premières. Que les élèves prennent l’air lors d’une balade champêtre suffit à satisfaire l’esprit de la fête et les initiateurs de la démarche. Cette effervescence massive et incohérente car déritualisée s’accommode fort bien de l’inculture générale et de l’illétrisme aggravé de ces nouvelles générations qui sont au centre du système pour mieux les surveiller, les divertir et les abêtir. Aujourd’hui, la fête s’incarne dans la grimace de Mickey et dans la ronde des nains dansants de Disneyland.

L’élève s’est transmué en "jeune", la société civile scolaire en communauté éducative, les parents en partenaires. L’école fait désormais l’apologie de l’immaturité au service d’une domesticité organisée par quelques fonctionnaires zélés. Amusez-vous, les jeunes, car une fois dehors, confrontés aux réalités impitoyables du marché et de la rentabilité, soumis aux discours simplistes et séduisants de quelques politiciens influents, la fête risque fort d’avoir le goût amer de la dé-fête...

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