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DEMOCRITE, atomiste dérouté
13 juin 2007

De l'histoire et de la passion

Démocrite le rieur à Hérodote le sage, salut.

    Quelle joie de te lire, ami. Ta réflexion toujours passionnante, me donne immédiatement l'envie d'en savoir plus sur cette bataille d'Halicarnasse. J'ai cherché dans l'encyclopédie et n'ai rien trouvé de probant mises à part quelques références concernant la sculpture grecque du mausolée d'Halicarnasse. Je serais ravi d'en savoir plus. Il va de soi qu'une telle recherche trouvera écho chez toi, le plus documenté d'entre nous. Je ne vois que toi, mon cher Hérodote, pour éclairer ma faible lanterne en la matière.

    Vois-tu, c'est une étrangeté de constater combien ce rapport à l'histoire, donc au passé, est particulièrement troublé voire écorché par ma pratique de la méditation. J'en suis parfois à me demander si la condition de la sagesse ne suppose pas une forme plus ou moins radicale d'oubli. Mais, il me faut t'avouer qu'il y a peut-être de ma part, cette fâcheuse tendance à écarter de la conscience tout ce qui pourrait alourdir sa vivacité et sa créativité. J'ai eu le tort dans mes jeunes années, de procéder trop fréquemment à ce nettoyage d'une mémoire saturée par l'effort. Le poids du passé m'est apparu comme le signe d'un esprit accablé par le connu et terrassé par les ombres aléatoires des temps futurs. De fait, je constate, et je ne peux que m'en vouloir, que ma connaissance historique est à reconstruire. Je compte sur toi pour m'aider dans cette tâche, car je sais que le grand Hérodote sait ordonner le temps et la succession, sans se laisser happer par le ressentiment et la souffrance. Vois-tu, cher ami, c'est là une des failles de ma philosophie. La pensée doit trouver sa juste place sans sombrer dans le travers de la réification. Comment comprendre que le passé n'existe pas et que ce récit, dont tu te fais l'écho, avec cette ardeur et cette justesse que nul ne conteste, reste une expérience présente ? Il y a, me semble-t-il de quoi méditer sur le paradoxe de ces temps lointains dont nous parlons et qui se déploient dans nos esprits au présent. Comment pourrait-il en être autrement ?

    Je dois te dire, mon ami, combien ta parole m'est précieuse et combien le fait de te savoir vivant me réjouit. L'amitié, ce bien inestimable, traverse les épreuves du temps et se décline sur le mode d'une pensée partagée sans concession. Cette pensée ne saurait être d'une quelconque valeur à mes yeux, si elle ne s'accompagnait d'une aptitude corporelle à l'hédonisme majeur. Je nous crois bien engagés dans cette voie. Cependant, et je ne veux pas non plus te soustraire trop longtemps à tes propres occupations. Cependant, il me faut te dire quelque chose concernant notre ami commun, Cicéron. Notre dernière soirée fut des meilleures, mais l'état moral et psychologique de notre romain, tellement affûté d'ordinaire (et prêt à en découdre), m'inquiète et me semble annoncer quelques obscurités prochaines. Je crains que son rire nu fût qu'apparence et ne dissimule d'autres apparences plus noires. La bile sombre de la mélancolie s'est infiltrée dans le coeur de notre habituel combattant. Il n'est plus que l'ombre de lui-même et présente le douloureux spectacle de la passion qui ravage le corps et fragilise l'esprit. Je le crois plus affecté qu'il n'y paraît, et il ne faudrait pas que sa raison s'effondre et ne l'engage dans des voies sans retour. D'un autre côté, une faille s'est révélée. Par la béance du manque, le sujet fait l'épreuve de lui-même. Et il me semble que notre Cicéron aurait bien besoin d'examiner les fondations de son propre empire. Comme je crois l'avoir souligné lors de nos agapes, il est vraisemblable qu'une nouvelle humanité anime notre amoureux zélé. Seule la fortune décidera de son sort...

    Je te demande, mon ami, d'être vigilant et de raisonner notre philosophe égaré. Veille à ce qu'il ne sombre pas dans les affres d'une souffrance sans retour, dont nous savons, toi et moi, combien elle peut être dévastatrice. Rappelle lui, s'il en était besoin, que la masturbation procure davantage de plaisir que l'amour , comme je l'ai clairement signifié dans mes nombreux écrits. Notre excentrique camarade, l'incompréhensible et hermétique Avéroes serait, j'en suis certain, d'accord avec moi. Sa formulation serait, certes, différente et plus directe. Je le vois volontiers s'exprimer en ces termes : "Va te palucher, Cicéron !" Une telle proposition peut paraître saugrenue. Mais elle procède d'un calcul très fin des plaisirs que mon disciple, le très cher Epicure, reprendra à son compte. Au final, le coït fait trembler l'homme et le mène trop souvent dans les tempêtes du désir que les femmes savent si savamment déclencher. A cela, il faut savoir renoncer et découvrir la parfaite lumière de l'euthymie (tranquillité). 

    J'attends de tes nouvelles avec une impatience presque juvénile. Dis-moi ce que tu penses des Lettres de notre sage Epicure-Amédé et ce qu'elles t'inspirent. Parle-moi de cette bataille d'Halicarnasse. Prends soin de Cicéron et ne t'embarque pas dans quelques voies artistiques sans vigilance ni modération.

Porte toi bien, ton ami Démocrite le rieur.

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Commentaires
H
Hérodote à Démocrite le rieur, salut.<br /> <br /> <br /> Ce n' est pas sans plaisir que j'entrevoie les côtes de l'Attique. Tel Néarque j'ai navigué sur ton "blog" et c'est par le plus grand des hasards que j'accoste sur un texte, je veux dire une terre, où les habitants sondent la bile de Cicéron or ce dernier m' a rendu une visite cet après-midi. Je n'ai pas évoqué ton "blog", mais lui m' a longuement entretenu des atomes rudes ou lisses, crochus ou recourbés, et du vide qui se trouve entre eux. Si son vide n'est plus aussi vide, et ses atomes pas aussi crochus, il me semble, toutefois, que le tourbillon l'entraîne de nouveau vers des contrées où les côtes sont ensablées.<br /> <br /> Je te laisse pour ce soir, à très bientôt, porte toi bien,<br /> <br /> <br /> Hérodote.
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