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DEMOCRITE, atomiste dérouté
2 juillet 2007

Tadrart, le silence des sables (8)

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Lever de dunes, Tadrart, 16 Février 2002

5h30, avec quelques compagnons, nous décidons d'assister ce matin à la naissance du jour, depuis M'n Goula, la dune rouge de la Tadrart. Il fait froid, la sécheresse de l'air est hors du commun, le sable paraît glacé, comme la peau du reptile assoupi. Les roches ont le visage fermé par les ombres de l'est. Nous débutons l'ascension dans une étrange obscurité. Partout les étoiles font des trous de lumière dans la voûte. Elles fuient vers l'improbable occident, dans une course inhabituelle tandis qu'à l'opposé, l'astre majeur procède, en féroce artificier, à l'embrasement du monde.

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Méditation minérale, Tadrart, 2002

J'écris, serait-ce là de ma part un refus de vivre et de sentir, façon subtile de tricher avec le désert ? Pourquoi inscrire sur la page ce qui ne peut être saisi, définitivement. Je sens pourtant cette résistance étroite de l'esprit amadouant son retour, cherchant à domestiquer la brutale transition à venir. Les divisions naissent avec l'apparition du temps et de la mesure. Toute chronologie est chronophage, elle dévore dans son apparente raison la mélodie poétique du souffle.  Ai-je vraiment vécu ces heures d'illumination saharienne ? Pourrai-je me contenter de quelques souvenirs figés dans la morne arithmétique des dates? Le temps doit disparaître. La succesion se fondre dans ce flux vital qui unifie l'avant et l'après. Tadrart n'est pas un temps, pas un nombre, pas un volume, pas un point sur la carte. Tadrart est l'expérience de la dé-route, elle est le désert de l'homme qui laisse parler la faille de l'existence, son essentielle incomplétude. Tadrart est la totalité de l'être qui coincide avec le réel des origines dans une sorte d'expérience anhistorique. Tout est là pour toujours, je le sais. Ici, le temps n'existe plus, seuls comptent le pas de l'aube et le vent de Tassili.

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Traces ? Tadrart, Février 2002

La dune fait de moi un géant ; mon ombre immense et ridicule caresse en éphémère sa surface orangée ; il me faut descendre en me laissant happer par la gravité, je cours, je saute et laisse à nouveau une empreinte dans son cuir mobile. Cette trace d'humain se comble si vite qu'elle tombe instantanément dans l'oubli des sables. Le vent aura eu raison de mon passage.

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