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DEMOCRITE, atomiste dérouté
20 décembre 2007

Intelligence animale, intelligence humaine

Comme je ne souhaite pas produire de trop longues argumentations dans les commentaires d'articles, je propose ici l'intervention de sansnom°1 réagissant à l'article L'étonnement philosophique, le chien et la pensée et ma réponse qui devient l'occasion d'une clarification au sujet de l'intelligence animale:

"Il me semble juste qu'on ne peut pas considérer que les animaux agissent par simple instinct, et qu'il faut donc leur accorder une forme d'intelligence.

A Descartes j'opposerai donc Montaigne:
"Par ainsi, le renard, dequoy se servent les habitans de la thrace quand il veulent entreprendre de passer par dessus la glace quelque riviere gelée et le lâchent devant eux pour cet effect, quand nous le verrions au bord de l'eau approcher son oreille bien pres de la glace, pour sentir s'il orra d'une longue ou d'une voisine distance bruyre l'eau courant au dessoubs, et selon qu'il trouve par là qu'il y a plus ou moins d'espesseur en la glace, se reculer ou s'avancer, n'aurions nous pas raison de juger qu'il luy passe par la teste ce mesme discours qu'il feroit en la nostre et que c'est une ratiocination et consequence tirée du sens naturel: Ce qui fait bruit, se remue; ce qui se remue n'est pas gélé; ce qui n'est pas gelé, est liquide, et ce qui est liquide, plie soubs le fait?" (Les Essais, II xii édition Villey, page 460)

Quand je parlais de "pure immédiateté" je voulais surtout parler d'instinct, je n'ai pas été très précise dans la définition.... par contre en ce qui concerne l'immédiateté du sage ou l'ataraxie ce sont des idées qui me paraissent assez illusoires, à la limite on peut avoir envie de les rechercher mais il ne me semble pas qu'on puisse atteindre un tel degré de plénitude...

Ensuite, il est vrai que l'homme est un animal un peu différent, il est sans doute pourvus d'une imagination plus grande que celle des autres espèces; néanmoins le sentimentalisme de tes élèves me semble justifié dans le sens où la machinerie décrite par Descartes heurte notre expérience quotidienne, les animaux sont beaucoup plus complexes que cela. Nous avons sans doute de grandes tendances à l'anthropomorphisme, mais on ne peut pas pour autant nier toute forme d'intelligence ou de sentiments aux animaux, sous prétexte d'agir objectivement, scientifiquement, comme si ce n'était pas la conscience humaine qui produisait cette interprétation. Je n'irais pas jusqu'à dire que les animaux fonctionnent de la même façon que nous, mais de là à dire qu'ils sont entièrement autres..
."

Posté par sansnom numéro 1, 20 décembre 2007 à 00:55

La position cartésienne, je l'ai déjà développé par ailleurs, est absurde en ce qu'elle nie le fait de la souffrance animale ; en ce qu'elle réduit le corps à un assemblage mécanique. Jamais une mécanique ne sera en mesure de procéder à de l'autoréparation (cicatrisation) ou de la reproduction [Kant déjà pointait cette difficulté propre au mécanisme] quoiqu'avec l'informatique, certains programmes sont susceptibles de s'autoréparer. Je répète que je ne soutiens en rien la position cartésienne qui n'est absolument plus tenable.
Cela dit, vouloir à tout prix ramener l'intelligence animale à la production d'idées ou de pensées abstraites n'est pas plus tenable. Les bonobos et les chimpanzés sont capables d'apprentissage symbolique et de reconnaissance de symboles mais en nombre très limité et dans des conditions de fortes contraintes imposées par les hommes (scientifiques), contraintes qu'ils ne rencontreront jamais dans la nature (identifier des mots par exemple ou des images sur un tableau). Le développement symbolique du chimpanzé n'excède pas celui d'un enfant de deux ans ! Voyez le chemin indéfini que parcourt l'homme entre l'âge de deux ans et l'âge adulte !
Cette autre tendance qui consiste à vouloir faire en sorte que le singe pense et parle comme l'homme me paraît aussi absurde que la première en ce qu'elle est, dans son soubassement, réactive ou pour le dire autrement, aussi simpliste que celle qu'elle cherche à dénoncer (l'inintelligence animale). Faites parler l'animal et vous ne verrez plus sa singularité. Dans les deux cas, deux préjugés : nier l'animal ou le ramener à l'homme pour ne pas le déconsidérer ! Je note que les élèves de terminale oscillent constamment entre ces deux positions (ou l'animal est bête ou il a une pensée comme l'homme !)

Il existe pourtant une troisième voie, non réactive celle-là, qui, tout en considérant l'homme avec ses spécificités ( la rationalité, la création et l'intelligence technique) peut constater l'incroyable diversité des processus de création de la vie animale ; création repérable à l'échelle de l'espèce, non à celle des individus (ce qui reste globalement une possibilité humaine). Entendons par là que l'individu par sa conduite révèle le comportement de son espèce selon la position hiérarchique qu'il occupe. En ce sens, il est un type et non une singularité. Cette troisième voie ne hiérarchise plus et ne produit plus de différence de nature entre l'homme et les autres espèces mais ne se raconte pas d'histoires non plus. Que l'homme soit l'espèce du système symbolique (langage) est indiscutable. Voilà une propriété spécifiquement humaine. Cela ne doit pas nous autoriser à  dire de l'animal qu'il est privé de tout sentiment ou d'intelligence. Feuerbach usait de l'expression "sentiment de soi" pour désigner le rapport que l'animal entretient avec ses propres perceptions. L'animal se sent vivre et s'oriente dans sa vie à partir de la multiplicité des éléments sensoriels qu'il est en mesure de repérer et d'identifier. Edgar Morin n'hésite pas à user de la notion de "sujet" pour parler de l'individu-animal entendant par là une faculté de ramener des percepts à un principe (de vie), mais un principe qui ne peut pas se définir comme une subjectivité consciente potentiellement d'elle-même. L'animal est "sujet" de sa perception, il perçoit mais ce "il" reste englobé dans une perception qui l'absorbe tout entier et qui s'accompagne de stratégies de défense, de séduction, de protection etc.

Tu parles d'intelligence ; encore faut-il la définir et voilà qui fait problème. Si on pose l'intelligence comme étant l'ensemble des aptitudes qui permettent à un individu de s'adapter activement à des situations complexes ou à un environnement variable, on observera alors que les hommes ont une plasticité remarquable et bien supérieure aux autres espèces lesquelles se sont à ce point spécialisées qu'elles ont besoin d'un temps assez long pour produire une adaptation. [On trouve des fourmis dans tous les milieux mais ce ne sont pas les mêmes espèces).

Si on définit l'intelligence comme la faculté de faire des liens (lier des idées entre elles), il est très difficile voire impossible de l'attribuer de façon générale aux animaux puisque leur production symbolique est soit inexistante soit très pauvre. S'il s'agit, en revanche de lier des perceptions entre elles, alors la plupart des espèces sont dotées d'outils très efficaces mais dépendants de signaux (stimuli) servant à déclencher une conduite. On parlerait ici d'intelligence performante mais assez figée en ce qu'elle assure la pérennité de l'espèce (on retrouve le niveau précédent) avec une mobilité assez limitée. Les perceptions supposent une forme de décodage (d'analyse comme le suggère Montaigne ?) ramené à un principe perceptif ou instinctif ; (ce "sentiment de soi" dont parle Feuerbach ou ce "sujet" évoqué par Morin).

Enfin, si on définit l'intelligence comme l'ensemble des moyens inventés par l'espèce pour garantir sa survie dans un milieu globalement stable, alors, les hommes ne sont en rien plus intelligents que les chauves-souris et leur système ultra-sons d'une exceptionnelle précision, que les araignées capables de copier l'empreinte chimique des fourmis pour les dévorer tranquillement au coeur de la fourmilière, des chats et autres lions qui voient 6 fois mieux que l'homme la nuit, des chiens qui sentent jusqu'à 50 fois mieux que l'homme, et même des acacias de Tanzanie capables d'alerter leurs congénères en produisant des éléments chimiques aéroportés en cas d'agression de l'arbre par une gazelle de Thompson. Une fois le message reçu, voilà nos acacias aptes à fabriquer un poison qui intoxique toutes les gazelles qui auraient le mauvais goût de s'en prendre à leurs feuilles. Et que dire des aigles et des faucons pélerins capables de repérer une proie à 3 kms ou des ours polaires sentant un cadavre à près de 10 km à la ronde et des vautours fauves possédant le système digestif le plus perfectionné au monde, produisant des acides dissolvant les éléments les plus corrompus par la vermine ? Bref, l'intelligence du vivant est partout et une source extraordinaire d'émerveillement et de complexité. Pour parvenir à la reconnaissance de cette intelligence, il paraît indispensable de surmonter les préjugés qui font obstacle à une compréhension de la créativité de la nature.

Si on prend un peu de hauteur, on observera que cette intelligence ne se déploie que dans la direction du vouloir-vivre c'est-à-dire de la survie. Et voilà ce qui fait problème. C'est qu'au fond l'intelligence soit au service d'une fin aveugle et insignifiante, celle qui pousse les individus à tout faire pour satisfaire l'exigence de l'espèce, autrement dit, la reproduction. Tel est le destin de la nature vivante qui s'accomplit par le sacrifice de l'individu, absorbé tout entier dans cette implacable volonté. Schopenhauer a tout dit là-dessus. L'intelligence humaine ne fait pas exception même si elle semble arracher l'homme à la nature. Les circonvolutions symboliques et théoriques, les efforts techniques, les développements scientifiques pour prolonger la vie, ne font que l'y ramener d'une manière ou d'une autre avec la conscience pénible de l'insignifiance de sa propre existence. C'est pourquoi nous partageons en réalité le destin des animaux, de nos frères-animaux, même si nos stratégies de détour qu'on appelle intelligence ou "raison"  ne font que produire du divertissement pour oublier notre condition. Il faudra alors s'interroger sur la valeur de cette intelligence. Si le but de la pensée consiste à se parer du voile de Maya pour fuir par tous les moyens la situation tragique que nous partageons avec l'ensemble des êtres vivants, ne sommes-nous pas alors les premières victimes de cette intelligence ? Une intelligence capable de nous mener à la désolation et à la souffrance morale, mùais que vaut -elle ? Ne faudrait-il pas préférer, comme Niestzsche le suggère, ce bonheur tranquille de l'animal qui oublie à mesure qu'il vit, qui en oublie jusqu'à sa propre mort ? Hélas, nous autres, en sommes-nous vraiment capables ?

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Commentaires
D
Si je mentionne Jacob c'est d'abord parce qu'il réfute dans son analyse du sentiment (le sentiment qu'éprouve Roméo pour Juliette) la tentation "biologisante" et en particulier génétique tout comme l'interprétation culturelle lorsqu'elle prétendent saisir de façon unilatérale un phénomène. Le sentiment n'est pas plus d'origine génétique, (ou pas plus d'origine neurobiologique) qu'il n'est d'origine environnementale. Retrouver la pensée complexe suppose de tenter une rencontre entre les divers domaines du savoir d'autant que les structures neuronales sont aussi des structures d'accueil par conséquent des liaisons en direction de la culture, laquelle modifie à son tour la structure nerveuse et le réseau de connections dans le cerveau. C'est pourquoi, l'auteur de "La logique du vivant" ou du "Jeu des possibles" introduit le concept d'interactions pour surmonter ce qui, de prime abord, constitue un obstacle épistémologique. L'interaction du biologique et du culturel permet de mieux rendre compte ou mieux modéliser les comportements. Mais comme le dit Nietszche, la science dans son effort constant ne fait que décrire les phénomènes. Jamais enne n'explique véritablement ce qui se passe. Elle se contente de dire : "tout se passe comme si..."<br /> En cela, je te rejoins entièrement, mon cher Charp. Nous avons besoin de la science comme nous avons besoin de l'art, des modèles pour faire rêver et parfois créer une exaltation passagère, devant l'insignifiance du réel.
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C
La neurobiologie ne sait effectivement pas ce qu'est la pensée. Mais elle commence à en repérer certains composants. Et c'est peut-être déjà à ce niveau qu'il y a différence entre l'homme et l'animal. Il y a quand même une quasi-certitude: le cerveau humain est plus complexe.<br /> Pour comprendre un phénomène, on ne peut faire l'impasse sur aucun des savoirs qui l'approche. Le problème est celui de l'interprétation que l'on en fait, de la puissance explicative qu'on lui attribue. Concernant la science et la pensée, l'erreur est la réduction d'un phénomène complexe à ses composants les plus élémentaires -les seuls que la science peut aborder, et là effectivement on peut lire pas mal d'énormités "scientifiques". Ainsi l'amour a-t-il une composante chimique, sans doute, mais c'est vraiment de peu d'importance pour appréhender cette aventure humaine d'une richesse et d'une complexité incomparable. Par contre, c'est important de le souligner pour rappeler que tout fait ou structure a un substrat matériel.<br /> Merci Démocrite, de citer François Jacob, effecivement un scientifique d'une grande ouverture d'esprit. Ceci dit, son domaine est le vivant en général. En neurobiogie, Gerald Edelman me paraît un auteur très important et ouvert.<br /> Sur les lemmings, ou n'importe quelle autre espèce adoptant des principes d'auto-régulation (en fait toutes les espèces): le comportement individuel ne doit répondre qu'aux exigences minimales de la conservation de l'espèce. En cas de crise (déséquilibre entre les moyens de subsistances et<br /> la population atteinte), cette exigence "minimale" influence beaucoup plus nettement le comportement individuel qu'en cas d'équilibre.
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D
La procréation - car il n'y a pas dans la nature de véritable reproduction ( à part chez les unicellulaires) - n'est qu'une modalité du vouloir -vivre ; en ce sens, on peut comprendre le sacrifice d'une génération comme une affirmation de la volonté au service de l'espèce. On observe aussi chez l'être humain cette capacité de maîtrise de sa propre procréation par le refus d'enfanter ou la guerre et l'extermination des populations parfois programmée à grande échelle ; cela n'a jamais empêché l'humanité de coloniser la planète et de poursuivre une sorte de croissance aveugle et massive (et d'ailleurs catastrophique sur bien des plans). <br /> Concernant la pensée et sa réduction à des mécanismes chimiques, je crois que la prudence dont tu fais preuve et que je partage, nous oblige à considérer les concepts scientifiques comme des modèles théoriques et non comme des révélateurs du réel. Tout réduire à du neuronal fait craindre le risque d'une réduction de la perspective. D'autres réductions, de type environnemental, sont aussi problématiques . Il faut relire sur ce point les analyses de François Jacob dans "Le jeu des possibles".
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S
Nous ignorons encore énormément de choses sur la façon dont fonctionne le cerveau, qu'il soit humain ou animal. Je me trompe peut être mais il me semble que nous ignorons comment les pensées se produisent, dès lors il est assez compliqué d'expliquer clairement les différences entre les différents types de cerveaux... il existe beaucoup de doutes à ce sujet.<br /> Il me semble, en tout cas jusqu'à ce que les scientifiques découvrent plus de choses en ce domaine, qu'il faut faire preuve d'une certaine méfiances sur les interprétations qui ne prennent en compte que des échanges chimiques et des liaisons neuronales... je m'y connaît vraiment peu en ce domaine, je dis peut être des énormités,mais beaucoup d'interprétations me laissent perplexe et dubitative, par exemple certains scientifiques vont expliquer l'amour par une simple combinaison chimique entre deux êtres sans prendre en compte les facteurs culturels et sociaux. Ce que je veux dire par là c'est qu'il y a d'énormes désavantage à réfléchir en terme de liaisons cérébrales étant donné le peu de connaissances que nous en avons, car le résultat de ces analyses semble souvent très partiel. Cela ne veut pas dire que je ne crois pas qu'il existe des différences entre le cerveau humain et les cerveaux animaux (ma méfiance vis à vis des interprétations de type chimique et neurologique vient d'ailleurs d'un reportage ou on comparait les rapports amoureux des hommes et des... bonobos), mais cette différence ne nous permet pas d'établir quels en sont les différences de pensée. Je précise aussi que je ne cherche pas à donner la primauté de la pensée sur la matière, seulement nous ignorons comment la pensée est produite. <br /> <br /> Ensuite, en ce qui concerne la reproduction de l'espèce... il y a un fait que je ne saurais pas vraiment comment interpréter, et qui semble privilégier l'espèce sur l'individu. Les lemmings se suicident en masse pour limiter la surpopulation et ainsi assurer la survie de l'espèce... est ce que c'est comparable aux saumons d'Alaska? car là il n'y a aucune reproduction à la clef, c'est une sorte de sacrifice
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D
Je ne sais pas si la pensée est un phénomène compensatoire (une compensation supposant un équilibre antérieur rompu et la volonté de rétablir le déséquilibre). Je vois plutôt dans l'activité de la pensée une sorte de perception spécifique de l'homme produisant et traitant de l'information avec ses avantages (l'efficacité technique évidente par exemple) et ses inconvénients (nécessité du retrait c'est-à-dire du temps pour son développement interne), mais ni plus ni moins qu'une perception avec son organisation matérielle propre et ses circuits neuronaux particuliers ; la pensée étant un sixième sens, elle participe à la construction d'un monde. En ce sens, le monde de la mouche, du chat et de la chauve-souris, ces mondes-là resteront toujours étrangers pour nous qui pouvons tenter de nous représenter notre propre monde par la pensée.<br /> <br /> Pour ce qui est du vouloir-vivre de Schopenhauer, il n'est pas question de finalité de la nature au sens d'une téléologie mais plutôt d'un vitalisme propre aux être vivants c'est-à-dire d'une force ou d'une énergie sans dessein de la nature "qui en elle-même n'est qu'une poussée dépourvue de connaissance aveugle et irrésistible." Pas de finalité donc, mais seulement le constat de la seule reproduction des individus dans le prolongement sans fin de l'espèce auquel sacrifient les générations. Pour parler de téléologie, il faudrait se placer du point de vue de la finalité supposée de la nature comme chez Kant. Ce n'est pas le cas ici et le mot "fin" que j'ai utilisé doit être repris, en effet et reprécisé. Avec Schopenhauer (comme chez Lucrèce), on procède de l'état de la nature telle qu'elle est, non telle qu'on voudrait qu'elle soit en vertu de quelques modèles ou types potentiellement réalisables. <br /> Les saumons d'Alaska remontent inlassablement les rivières et se reproduisent et meurent invariablement après cet incroyable effort. Vie et mort sont les deux faces de la volonté "qui n'est rien d'autre que ce monde, que la vie telle qu'elle se présente."
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C
Comme tu le soulignes, les termes de pensée et d'intelligence sont bien vagues, et peuvent recouvrir tant de sens qu'elles peuvent soutenir deux thèses opposées sans que l'on puisse parler d'erreur.<br /> Si l'on veut confronter l'homme et l'animal, il faut en revenir au biologique, au cerveau.<br /> Là, la seule différence notable est la "complexité", notion déjà difficile à cerner.<br /> En quoi la différence "quantitative" de complexité peut-elle induire une différence qualitative?<br /> Le cerveau est une sorte de détour, de circuit parallèle, par rapport aux systèmes nerveux primaires, fonctionnant simplement sur le modèle impulsion-réaction.<br /> La complexité du cerveau humain provoque donc des détours plus longs que les autres animaux. Cette augmentation quantitative offre la possibilité de repasser beaucoup plus souvent par le même "chemin" (les mêmes "états" seraient sans doute plus corrects).<br /> Or, je crois que c'est cette capacité de ressassement des informations (qui sont de l'ordre de l'impulsion) et de mises en relations de celle-ci, qui permet au cerveau humain de travailler sa propre matière, et de s'auto-organiser, formant une "image" interne du monde, une représentation symbolique de celui-ci, ou plutôt la base cérébrale de celle-ci sur laquelle le langage, par l'échange, va bâtir une pensée. <br /> Comme il n'y a pas de différence de nature avec les autres animaux, on peut supposer que la possibilité de tels ressassements existent aussi, mais plus rarement. A cause de cette différence quantitative, ces éléments "symbolisables" jouent un rôle moindre dans l'activité cérébrale des animaux.<br /> Autrement dit, quel que soit le sens que l'on donne à la pensée, à l'intelligence, les éléments fondamentaux doivent se trouver aussi chez les animaux, du moins les plus développés (mammifères, entre autres). Mais ces "éléments" sont trop secondaires que pour se soumettre et organiser l'essentiel de l'acivité cérébrale consciente, comme chez l'homme. <br /> On pourra toujours des signes, des morceaux de pensée chez l'animal, et des signes d'autant plus importants que l'animal est "développé", mais la pensée elle-même, non.<br /> <br /> Cette différence "quantitative" n'induit aucune hiérarchie. Comme toutes les caractéristiques de l'homme, la pensée n'est pas un "plus", mais une compensation.<br /> Comme tu le remarques, l'activité cérébrale animale est souvent plus performante à court terme que l'homme. C'est en compensation à cette inefficacité que l'homme a dû développer la pensée.<br /> <br /> Dernière chose: l'exigence de la reproduction de l'espèce n'est pas le but de l'individu, qu'il soit animal ou humain: c'est là une vision téléologique que je crois inadaptée au vivant.<br /> Ce que les lois de l'évolution exigent, c'est juste que tout développement biologique ne contredise pas l'exigence de reproduction. C'est juste une exigence de non-contradiction, qui ne détermine rien d'autre, et qui de plus n'est pas transférable à la culture.
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S
Bonjours Démocrite<br /> <br /> J'ai bien compris que tu ne croyais pas en la théorie de l'animal-machine de Descartes, néanmoins je continue à penser malgré tout que la pensée animale dépasse le cadre de celle qu'on lui accorde en général; et je lui attribue la faculté de faire des liens même s'ils sont plus réduits que chez l'homme. Il me semble qu'il peut y avoir une forme de pensée sans langage, probablement moins vive et moins étendue, mais une pensée tout de même, et qui permet aux animaux d'avoir une certaine personnalité, des traits de caractère individuels.
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F
Je vous félicite, vos développements sont lumineux surtout dans le dernier paragraphe <br /> Fayçal
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