Les fantômes du Hohenbourg (2)
La proue fantômatique du Hohenbourg, Vosges du Nord, Alsace, Démocrite, 28 décembre 07
Nous nous élevons dans l'épais brouillard qui enveloppe chaque chose. Pourrons-nous seulement apercevoir le donjon dressé et la porte énigmatique de mon vieil ami ? Soudain, telle une ombre de géant, son allure masssive transperce le dense nébulon et surgit là, agrippé sur son roc, à 580 m d'altitude. Le Hohenbourg s'élance, raide, aigu comme une hallebarde, tendu dans un ciel blanc. Sa tour hirsute se perd dans la brume. Suis-je en montagne ou suis-je captif d'un récif des Vesteralen, ces îlots égarés du grand-Nord ?
La Porte de grès, Hohenbourg, Vosges du nord (67), 28 décembre 2007
Je gravis les derniers mètres jusqu'à sa porte remarquable, demeurée ouverte. Des écussons taillés dans la pierre rose évoquent les grandes dynasties des Andlau, des Sickingen. La vigne décore ces poutres de grès. D'étranges visages, aux sourires de lutins, racontent une histoire secrète et emmurée. Hohenbourg garde ses mystères et ses fantômes. Le temps s'est ici solidifié dans la roche. Ce temps est mille récits que les brumes murmurent au passager du vent.
Un autre mystère me hante, celui de sa puissance verticale, celle qui propulse l'aimable visiteur au point culminant de toute la région. De la-haut, pourrai-je toucher du doigt les improbables fulgurances de l'astre majeur ?
Luminescence, sommet du Hohenbourg, 600 m, Démocrite, 28 décembre 2007
D'ordinaire, le château laisse planer son regard sur une mer de forêts qui s'en va en longues vagues majestueuses se perdre dans un horizon brumeux. Se découpent alors au faîte d'âpres sommets, des blocs de pierres gigantesques rabotés par les déluges successifs et les érosions millénaires. D'innombrables ruines, anciens fiefs, courent sur ces monts à l'infini. Le Hohenbourg défie la perception et se rit de cette amère frontière qui trace une vaine et stupide séparation avec le voisin de l'Est et du Nord. Le Palatinat s'étire au septentrion en une multitude de hauteurs boisées. Vers l'Orient, c'est le Rhin à 50 km qui marque une autre limite. Mais aujourd'hui, le soleil livre un rude combat et l'oeil affronte l'opacité du voile de brume.