Quiétude
J'avais décrété, il y a peu, que la pluie et l'intempérie béarnaises seraient toujours belles et douces, je le maintiens avec, il me faut le concéder, un peu de folie ou d'arrogance, allez savoir. Le Béarn est une terre d'eau. Celui qui oserait dire que l'océan est ailleurs serait frappé de grave cécité tant les pluies cumulées de ces deux dernières semaines peuvent impressionner l'homme de bon sens. L'océan est partout, dans l'air, dans la végétation, dans les brumes épaisses et les incessants nébulons, dans les torrents et les gaves. L'océan,le ciel et la terre sont une seule et même chose.
Profitant d'une courte accalmie matutinale, je me rends sur le bienheureux plateau du Bénou, entre Aspe et Ossau. Cet espace est une parenthèse de silence et de musique. Ici, chaque son se détache et s'affirme comme singularité : la cloche de quelques vaches zinzinule paisiblement comme des mésanges éparses, le chant grave et saccadé du Pic-vert pointe depuis quelques bouleaux voisins ; ici ou là, le chien domestique veille sur une chaumière égarée. Plus haut, les ailes immenses d'un vautour fendent l'air à la manière des planeurs.
Je songe, assis sur une pierre, face à l'immobilité du Moulle de Jaut, au murmure bruyant, cacophonique et saturé de l'humanité affairée, celle des villes agitées et des achats, celle du travail et du rendement, à toute cette humanité avide de besoins et de sourde volonté.
Ici, sur les bords de ce plateau d'altitude, les météores jouent la musique d'un autre monde, une musique de pluie et de neige fondue, un chant pour les vivants.
Portez-vous bien.