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DEMOCRITE, atomiste dérouté
15 novembre 2009

Le Jaüt et le vautour

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Du Soum de Granquet, 1880 m

Je reviens des cimes pyrénéennes et du grand frais. J'ai contemplé cet après-midi, le vol imperturbable des vautours, j'ai marché sur des pentes raides, j'ai senti la mollesse de la neige d'automne, son tempérament précaire et audacieux ; je me suis hissé au faîte d'une montagne, seul. J'ai fraternisé avec les pics, les cimes et autres divinités calcaires qui déchiraient un ciel déjà crépusculaire. Il faisait froid mais c'était grand et beau ! La marche dans cette nature abrupte et sauvage me rend à la puissance de la vie, décuple l'énergie du corps, excite la sensibilité, stimule l'attention, invite au silence d'une aphasie réconciliatrice. La pensée se tait et la peau refait surface, réapparaît à la conscience comme surface inépuisable d'impressions que l'air et les éléments stimulent. En ces lieux de haute densité, je sais la vérité et cela fait ma joie.

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Commentaires
D
Merci cher GK cette dernière intervention qui me donne l'occasion de préciser un point.<br /> Il n'y a pas de distinction de nature entre le réel comme catégorie psychanalytique (Lacan)et le réel comme catégorie métaphysique. J'y vois une une différence de degrés. Qu'est-ce qui conduit la psychanalyse à élaborer cette catégorie sinon l'impossible traversée du fantasme, la butée indépassable du trauma à laquelle se heurte sans cesse sa vocation archéologique. Bref, le réel c'est l'indépassable en nous, l'impossible retour à une nature primordiale a-morphe, vagissante et impensable. Tel est, me semble-t-il, le socle du réel pour la psychanalyse ; un socle certes insaisissable et indicible mais anthropocentré car abordé dans le cadre contrarié de la cure. Ce réel là, je ne le conteste pas mais il m'apparaît comme un cas particulier du réel métaphysique. Dans cette perspective considérablement élargie, déterritorialisée, la butée peut "se comprendre" (si j'ose dire), comme un pli au sens de Deleuze c'est-à-dire come un point qui enveloppe le tout, qui ouvre sur le Tout ou l'Illimité. La marche est l'expérience renouvelée ou le déploiement continu du pli dans la multiplicité des points de vue que le pas accomplit. La profondeur psychique s'abolit dans la surface dépliée du réel. Ce n'est plus le trauma, ce détail douloureux mais détail tout de même sur la terrain métaphysique qui révèle le réel, mais l'itinéraire de surface comme expérience de la totalité.<br /> Comme tu le dis, tout cela est affaire d'intuition ou d'expérience mais ce que l'esthétique de la marche révèle, c'est que la faille n'est pas qu'en nous.
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G
Pour ma part je ne vois pas d'opposition foncière entre l'ouverture au réel telle qu'elle est thématisée par la psychanalyse - ouverture à l'en deça du langage et de la représentation - et la dimension métaphysique du Khaos ou de la Faille . Ce sont des approches différentes dans le cheminement, mais qui à un certain niveau peuvent devenir un seul et même chemin vers l'innommable du fondement absolu. Ici c'est l'expérience singulière et existentielle qui en décide.<br /> Bien sûr, cela ne saurait se démontrer par le discours. Affaire d 'intuition, et d'expérimentation incommunicable, mais désignable par la parole qui ouvre.
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D
Merci pour la qualité de ce commentaire et pour l'évocation bien sentie des exercices philosophiques. J'ai cependant quelques réserves relatives à Lacan. Mon approche n'est pas celle de l'activité psychique prise dans sa complexité multiple et ses tensions intérieures. Ce n'est pas l'inconscient, ce "je suis où je ne pense pas et ce je pense où je ne suis pas" qui m'intéresse et qui constituerait le référent de l'innommable mais le réel en tant qu'il est insignifiant et plonge définitivement la vérité dans l'abîme. Le réel est l'englobant ou la nature sans extériorité. Donc rien à voir avec une approche psychanalytique beaucoup trop limitée car centrée sur le sujet et l'objet de l'inconscient. Mon approche est métaphysique au sens d'une physique élargie à la totalité (atomisme démocritéen)et anti-métaphysique au sens où elle récuse toute catégorisation de l'Etre comme tout référent ontologique (Platon, Aristote ou les Stoïciens).<br /> La vérité dont je parle est cette découverte d'une mise en abîme de la vérité comme discours. La seule vérité restante est esthétique ; elle est celle de la sensation et de la stimulation, de l'excitation et du souffle, vérité de l'existence affirmée dans l'insignifiance absolue du réel. La vérité dont je parle est par conséquent l'expérience la plus radicale du tragique et dont la marche (et non la randonnée !) devient l'expression active.<br /> J'avoue que je tiens à la "verticalité" de la marche (mais une verticalité sans au-delà ni transcendance) car celle-ci contraint le corps à l'effort, à l'épreuve de la gravité donc de la terre. La montagne invite au dessaisissement, à la démesure, à la transpiration et au transfert énergétique. L'épreuve secoue la pensée et provoque les résistances. Voilà ce qui doit être surmonté pour que vivent la sensation et le sentiment le plus brut de cette présence ou de cette im-posture essentielle. Je crains que la marche horizontale ne se transforme en méditations solitaires à la manière de Rousseau, devisant et discutant avec lui-même au point de perdre de vue les déséquilibres du pas. Ce risque n'est pas qu'anecdotique. L'aphasie est active et ne se contente pas de l'oubli ou de l'égarement dans des pensées vagabondes facilitées par des chemins qui en imposeraient peu à l'organisme. Différence de degrés et non de nature entre une marche horizontale et une marche verticale, je vous l'accorde. Mais une très petite différence au départ peut produire des effets démultipliés et imprévisibles. L'aventure du clinamen est de ce côté-là.<br /> Merci à vous.
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T
Cher Démocrite,<br /> Coomme vous le dites, " je sais la vérité ".Celui qui n'a pas connu cette communion avec la nature ne peut comprendre ,car de tels moments aussi furtifs soient -ils peuvent difficilement se raconter...on ne peut que les ressentir dans l'instant .La question éternelle du sens ,du non sens ou du contre temps de l'existence ne se pose plus , comme vous dîtes " la pensée se tait" Vous rejoignez Lacan "Je suis ou je ne pense pas,je pense ou je ne suis pas".<br /> La Vérité (avec un grand V )se situe dans la nature , j'en suis persuadé ayant vécu de tels instants .<br /> Néanmoins ces instants ne durent pas et la pensée nous envahit de nouveau .Alors pouquoi ne pas profiter de l'occasion de ces instants magiques pour pratiquer "le regard d'en haut" d'autant plus symbolique que nous sommes sur une montagne .<br /> Pierre Hadot décrit d'une manière magnifique cet exercice spirituel volontaire dans son essai " Exercices spirituels et philosophie antique" 1981.<br /> Les anciens pratiquaient également ces exercices .<br /> Si l'on ne pense pas ,je suis d'accord ,nous sommes dans une autre dimension."Parfois je pense, parfois je suis " disait Valéry .<br /> Ces exercices peuvent se pratiquer lors d'une marche non pas "verticale" mais lors d'une marche "horizontale" peut être moins symbolique mais néanmois très riche aussi,car le fait de rompre avec ses chaînes ,le fait de quitter ses habitudes,nous prédispose à ces moments magiques ' à condition bien entendu que la marche ne soit pas "grégaire" pour vous citer .<br /> En vous souhaitant de bonnes randos pour 2010<br /> Bien à vous <br /> C.G
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M
Comment qualifier cette vision? Elle nous subjugue et comme tu le suggères, la vérité n' est pas loin. Merci de nous faire partager tes joies.<br /> Amitiés,<br /> Max
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