Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
DEMOCRITE, atomiste dérouté
26 janvier 2011

Aime ton malheur comme toi-même !

Afficher l'image en taille réelle

On espère d'être heureux et on souffre à le devenir !

A défaut d'être heureux ou de tendre vers le bonheur dont on ne saurait dire sérieusement en quoi il consiste, il est plus aisé de constater combien le malheur est infiniment plus évident, plus partagé, plus commun parce que plus facile d'accès. Le malheur, c'est l'ordinaire de la souffrance, la banalité de l'ennui, la platitude de l'existence normocentrée et de surcroît, la certitude de ne jamais lui échapper. Voilà qui le rend étrangement précieux et même secrètement enviable.

"Souffrir, note Paul Valéry dans Monsieur Teste, c'est donner à quelque chose une attention suprême."

Et pour cause, le malheur se voit, s’expérimente, s'entretient, se cultive, se rumine parce qu’il confère à l'existence une solidité, une corporéité, une assurance pleine et entière d'être en vie, une matérialisation objective, une signification. Je souffre donc je suis ! C'est du concret, de l'immédiat et du palpable. En voilà une garantie ! Une incontournable réalité ! Une vérité même ! Vérité première et dernière de l'existence qui débute sous le signe du hurlement primal, de l'arrachement organique, de la violence adressée à un corps qui n'a rien demandé à personne et qui s'achève dans le meurtre, l'effondrement, la solitude, la maladie, la décrépitude, la décomposition ! "De l'inconvénient d'être né", écrit Cioran. En somme, le malheur fait puissamment obstacle à l'insignifiance et au tragique. C'est aussi sa force et sa victoire sur la création.

Le corollaire du malheur, c’est la plainte, la réaction. Il me faut savoir que je suis malheureux. Le constater, le vivre, ne suffisent pas. Jankélévitch écrit que "la conscience malheureuse est passionnée, soumise à son obsession", comme fascinée par sa propre détresse. La plainte témoigne de mon malheur auprès des autres. Elle revendique et enrichit mon expérience, me donne le sentiment de la révolte, du refus et pourquoi pas du renversement. On pourrait presque y croire. Son but est pourtant tout autre : entretenir son malheur, le couver comme on couve ses petits, le cajoler, le préserver, l’idolâtrer précisément pour que rien ne se modifiie, pour que tout demeure à l’identique, et conserver ici-bas, une bonne raison de vivre. L’un se plaint de son métier, de la décadence de l’institution, de la perte des repères, l’autre de sa situation familiale, de sa vie de couple, de ses enfants, de ses amis qui n’en sont pas etc. Tout est bon pour se plaindre et se conforter, se rassurer, persévérer dans l'être ! Belle assurance en vérité ! Amour secret !

L’avantage de la plainte est qu’elle soulage sans rien changer et permet ainsi au malheur de prospérer sous le règne bienfaisant de la jouissance.

Aime ton malheur comme toi-même !

Publicité
Publicité
Commentaires
M
Cette réflexion me donne de l' énergie et me rappelle que "Changer, ce n' est pas devenir quelqu' un d' autre, c' est devenir soi-même et l' accepter".<br /> ML
Répondre
G
"Klage ist Anklage" (Freud) : la plainte est revendication, accusation. Cela fait vivre les psychanalystes.
Répondre
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Publicité