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DEMOCRITE, atomiste dérouté
16 avril 2012

Abandon atmosphérique

 

Soum de Lèche 2_modifié-1

 

N'étant guère disposé ces derniers temps à l'élaboration philosophique et à l'écriture, ce qui n'est pas sans m'attrister quelque peu, je vis et j'éprouve de grandes intensités photographiques en confiant mon sort aux aléas météoriques. Quelque chose travaille, quelque chose oeuvre dans les coulisses moléculaires, dans le silence asymétrique des organes que l'expérience optique régénère stimule et enrichit. 

P1240520_modifié-3

Depuis bien longtemps, la nature m'enseigne son incroyable créativité, sa puissance indifférente au surgissement, le fait toujours surprenant qu'il y a plus dans l'effet observable que dans les causes qui le rendent possible. Cet écart qu'en atomiste dérouté il faut bien appeler "des propriétés émergentes" donne toujours raison à une sorte de vision matérialiste dépoussiérée de son référent  - la matière - et qui tente de rendre compte du supérieur par l'inférieur.

Pour l'heure, que m'importe l'explication et d'ailleurs, il n'y a rien à expliquer. Ce coucher de soleil vécu sur le Soum de Lèche non loin du col de la Pierre St Martin fut une sorte de réveil à la beauté cosmique, une gifle infligée à ma tendance naturelle à la paresse et au repli. J'ai couru comme un exalté dans la pente, j'ai pressenti la vigueur sauvage et indomptable d'une alchimie crépusculaire de grande ampleur. 

Hurler et se taire tout à la fois comme pour coïncider avec la beauté tragique de ce passage, de ce déclin, de cet embrasement, qui, à l'image de la vie, se réfugie dans une nuit sans retour ! La gratuité de ce moment a quelque chose d'incroyablement insignifiant et cependant de tellement fort. Ce crépuscule est aussi une aurore, une pulsation, un vertige devant l'insondable origine des mondes. La création est l'autre nom pour dire ce qui se détruit. Seul le regard dans sa tendance intentionnelle préfère aborder l'expérience par le début ou par la fin. Mais l'un revient à l'autre car l'aurore et le crépuscule sont une seule et même chose.

P1250030_modifié-2

 Fin d'un Monde à San Sébastian

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Commentaires
D
Quel beau texte ! Quelle sensibilité ! Lorsque le pas conduit l'expérience vers " l'épreuve d'un état brut", lorsque la solitude résonne comme la saisie immédiate d'un rapport aux choses dénué de toute intention signifiante, lorsqu'enfin l'esprit se libère pour une grande part des strates du grégarisme, l'originalité radicale de sa présence-au-monde, présence acosmique devient une possibilité esthétique et l'effort une puissance d'affirmation devant le chaos des origines et de la fin. Il y a de quoi s'étonner, frappé d'une étrange stupeur devant l'innommable qui est une des modalités de la joie tragique. Je le vis heureusement, je l'éprouve mais cela relève non pas d'un "empoignement" ou d'une empoignade mais d'un dessaisissement, d'un jeu de forces auquel je ne puis échapper et qui s'impose à moi du dedans comme du dehors. Mon rire jubilatoire, ma folie passagère deviennent des expressions insignifiantes de ces forces qui vont et viennent comme l'attraction et le déclin d'un astre sur l'horizon amer de la nuit.<br /> <br /> Merci à vous pour cette belle contribution.
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M
Je me suis souvent demandé par quel influx sensori-moteur l’émotion provoquée par la vision d’un paysage, d’un animal, ou d’un végétal pouvait à ce point modifier mon rythme biologique. Peut-être est-ce là d’abord, un mouvement de recul spontané, instinctif, de fuite de l’insoutenable tumulte et affairement humains ? Causeries insupportables de ce que l’on ose appeler nos propres congénères. C’est bien volontiers que je quitte ces mêmes automates à peine capables, somme toute, une coupe de champagne à la main, de réciter quelques truismes appris çà et là face à une œuvre d’art. Ceux là ne sont pas troublés par la toile du maître ou le cliché du photographe, mais sont achetés par leur propre ignominie. Si l’artiste peut être merveilleux, les hommes sont quant à eux pitoyables. <br /> <br /> Puis, j’ai senti à défaut de comprendre, que tout ces paysages, m’ont vu grandir, pousser devenir moi, que mes pas d’adolescente ont foulé ces monts herbeux baignés par le soleil où a dormi mon enfance. <br /> <br /> Cher Démocrite, c’est un fait, certaines sensations sont éprouvées à l’état brut, elles vous emportent, vous transportent, vous traversent de part en part en provoquant une étrange alchimie. Dépossession d’abord, saisissement ensuite, émergence et projection d’une vitalité démesurée, inédite aussi, parce que vécue sous le mode d’une irruption forte, inouïe. <br /> <br /> Dévastation- déprise puis empoignement. <br /> <br /> C’est un déploiement de présence, mieux, de coprésence entre moi et l’élément naturel qui se réciproquent l’un et l’autre. Un va-et-vient, un tourbillon qui s’ouvre dans les couloirs d’un temps vécu sous le mode du laisser être. C’est ainsi que je réapprends à vivre, à respirer après de longs silences forcés et subis sous les affres de la douleur. J’ai dû rééduquer mon corps, l’accompagner dans l’effort, l’apprivoiser souvent et l’aimer encore.<br /> <br /> Une sensibilité exacerbée, oui peut-être, à fleur de l’être, à fleur de l’âme, mais loin du précipice… C’est l’expérience de la beauté sans commune mesure, celle là même qui transpire de vos prises d’images, captives pour un instant, la saisie du kairos.<br /> <br /> Je renonce à le dire mais vous enjoins de le vivre à l’aune du thaumazein, du pur étonnement, de l’émerveillement.
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