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DEMOCRITE, atomiste dérouté
31 mai 2012

Vivre et exister

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      Dans mon précédent article, j'ai tenté de distinguer avec le Robinson de Tournier, ce qui in-siste et ce qui ex-siste. Cette distinction fait écho à la duplicité de l'homme, à cet écart toujours irréductible entre "un moi profond" coïncidant avec la mélodie intérieure, immergé dans le fleuve mobile de la psyché et le vaste théâtre de la société des hommes, contraints d'exister dans le jeu multiple des rôles qui surdéterminent les individualités.

      Quelle est la nature réelle de ce qui insiste, de ce qui pousse, de ce qui cherche silencieusement à surgir en-deçà des masques que notre existence nous impose ? Quelle est cette part oubliée, recouverte, anémiée qui alimente nos rêves dans le creux de la nuit, lorsqu'enfin se tait le murmure incessant et retors de la civilisation ? La solitude est notre lot, notre condition, notre terreur tant que nous n'avons pas éprouvé en nous le dynamisme singulier, "idiot", asocial et fécond de nos forces et de nos sentiments. C'est de là qu'il faudrait partir, de cette férocité tripale, de cette indomptable énergie qui se moque de la mort, de la maladie, des représentations empoisonnantes, de la sécurité, de la vieillesse, du temps et qui se déploie continûment dans l'infrastructure de l'activité psychique, dans un registre à ce point organique et souterrain qu'il en devient insaisissable, inconnaissable.

      Ce qui insiste, c'est le vivre, la force vitale, la volonté. Ce qui insiste, c'est la part non domestiquée, ensauvagée, végétative et animale qui nous pousse à ouvrir les yeux, à respirer, à toucher, à nous mouvoir, à explorer la tonicité sensorielle de notre être. C'est aussi la force de nos tissus cellulaires aptes à la cicatrisation, à la réparation, à la respiration, à l'élimination des toxines. Cette quantité de force crée images, goûts, jubilation, plaisir et déplaisir, rudesse, facilité, sens de l'exploration, aventure et audace.

      L'accès privilégié de la conscience à la réalité insulaire du vivre ne peut se produire que par la douloureuse irruption du réel, par son effraction imprévue dans le monde des existants. Ce monde doit se déchirer, se fracturer, se dissoudre. Chacun doit sentir en lui, sous le poids de sa solitude, la vanité des formes et des personnages sans pesanteur qu'il joue immanquablement et qui expriment toute la facticité de l'existence. L'existentialisme est de ce point de vue une pensée grégaire qui condamne l'homme à l'enfer de ses masques et à une normopathie scopique. Rivé au regard de l'autre, à son jugement, à l'œil intériorisé, à la honte, à la signification sociale de l'acte, au pour-soi, le sujet réussit l'exploit de renoncer au vivre en se livrant à l'aliénation de l'existence. De même, nombreux sont les prétendus philosophes avec ou sans qualité qui ajoutent à l'imposture de l'existence un nihilisme (en fait un "mélancolisme") passionnellement attaché à l'objet perdu et qui prolonge l'impossible deuil dans une forme subtile de ressentiment à l'égard du réel et du vivre. 

      Vivre est une affaire de vitalité, de combat pour éprouver le feu sacré de l'esthétique. Vivre revient à se placer mentalement et physiquement dans le champ infini des forces auxquelles nous n'échappons pas et qui caractérise ce que nous appelons avec prudence, la nature. De cet affrontement naît une temporalité nouvelle, un état de conscience disponible aux intensités multiples du réel, un agir centré sur la qualité de l'effort et le renouvellement infini de sa puissance propre. Il y a un parfum d'éternité dans le vivre là où l'existence et ses avatars sentent avant l'heure le cadavre et la décomposition.

      Robinson accède au vivre après tant de bouleversements intérieurs, tant de crises successives et d'effondrements. Il lui faudra renoncer à l'existence, à la civilisation, au navire qui le ramènerait au grégarisme. Il réconcilie Apollon et Dionysos dans l'amour de la vitalité solaire qu'il célèbre définitivement. Robinson est la métaphore du vivre. Il est la métaphore active d'un chemin de vérité. 

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Commentaires
M
Cher Claude<br /> <br /> <br /> <br /> L’art (poiesis : création et non technè : savoir- faire) photographique peut légitimement s’immiscer dans le sillage des « beaux arts » en ceci précisément qu’il propose une vision esthétique du monde. Le peintre vivifie la forme des paysages, des personnages rêvés, revisités par l’imaginaire et non pas choisis, en posant de petites touches de couleurs sur la toile. Cézanne pensait en peinture sans avoir jamais voulu reproduire un objet. <br /> <br /> De même, le photographe (d’art) saisie la perspective, crée une profondeur surprenante entre les lignes horizontales et verticales subsumées dans la volumininosité des rais de lumière. Cher Claude, il y a des photos en noir et blanc de Robert Doisneau comme le célèbre« baiser de l’hôtel de ville », qui provoque d’étranges sensations, d’autres, totalement visibles sur ce blog se tiennent à « la lisière du réel » et flirtent volontiers avec quelques toiles d’artistes. Certaines d’entre elles ne vous laissent pas indemne, non c’est impossible, au point que l’œuvre du photographe fait œuvre, comme étant un évènement absolu, unique et très singulier (idiotes),c’est un univers qui surgit. Paul Klee disait le peintre rend visible, il rend visible la vision elle-même. Par la photographie, quelque chose se passe aussi, se donne à voir au-delà de la représentation. D’abord la vision est défaite pour être possédée puis re-tournée ensuite par le spectacle du monde : lieu où germine ce déploiement de l’expérience natale et primordiale de nos sensations enfouies.<br /> <br /> <br /> <br /> Bien amicalement
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C
Je vois ce que vous voyez, cher Démocrite, je ne vois pas ce que voit Claude.
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D
Ce que vous écrivez, mon cher Claude, est aussi la construction d'une image mentale avec ses intensités, ses écueils, ses facilités et ses désirs d'immortaliser dans la parole ce petit quelque chose auquel vous tenez. <br /> <br /> <br /> <br /> Pour ma part, je ne confonds pas tous les actes photographiques et ma récolte ne m'empêche nullement de jouir des moments de grâce que je vis en montagne. Dés lors, une réflexion aussi générale sur le statut de l'image me paraît-elle passer à côté des enjeux qui préoccupent dans le cadre de ce blogue, l'atomiste dérouté que je suis. <br /> <br /> Je vous invite à déambuler dans "mes carnets de déroute", dans mes "singularités optiques". Peut-être comprendrez-vous ce dont il s'agit : une image au service de la surface absolue et de l'intuition de l'éphémère, rien d'autre que des occasions de se réjouir et de susciter un geste créatif et même poétique. <br /> <br /> <br /> <br /> L'image ne double la réalité que pour ceux qui croient aux arrière-mondes. Pour les sceptiques dont je suis, une image n'a pas moins de réalité qu'un volcan ; une configuration passagère au milieu des configurations passagères. C'est ce que ne supportait pas Platon. Il avait trop besoin de minorer la sensation et la mobilité des choses au nom d'idées permanentes et universelles rassurantes. <br /> <br /> <br /> <br /> Aussi, et sans forfanterie aucune, je crois qu'il n'y a rien sur ce sujet à dépasser pour celui qui évolue dans l'insignifiance générale. <br /> <br /> <br /> <br /> Un mot encore, la création artistique ne se réduit pas à une entreprise "affreusement narcissique". Ne serait-ce pas là une image mentale ? Cela résonne sur le terrain d'une moralisation psychologique plutôt suspecte en termes de pulsions réactives. Mais ce n'est sans doute pas ce que vous souhaitiez réellement écrire.<br /> <br /> <br /> <br /> Amicalement
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C
La photographie <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> L’homme cet animal se singularise surtout à notre époque audio visuelle par la fabrique d’image par un simple clic Ce geste est devenu tellement anodin et facilité par la technologie ( portable , appareil numérique ou autre) que celui qui ne prend pas de photos numériques lors d’un voyage ou d’une fête de famille passe pour un attardé mental .<br /> <br /> J’ai longtemps pris des photos lors des fêtes de famille par exemple ,par tradition ou pour donner des photos qui « ont immortalisé l’instant » <br /> <br /> Qui de nos jours s’interroge sur ce qu’il fait en prenant une photographie .Le geste est devenu si banal ,tellement ordinaire qu’un enfant est capable de le réaliser et qu’on ne songe même plus à le penser .Pourquoi s’abstraire de l’instant pour le fixer en une image . ? Ce geste ne nous gâche –t-il pas la magie de l’instant présent et d’en savourer pleinement le moment ?<br /> <br /> Il faut bien le reconnaître , il existe des personnes qui éprouvent le besoin de toujours photographier soit disant machinalement . Quel est donc ce besoin ou plutôt ce désir de collectionner des images ? Ne confondons nous pas le désir et l’objet ? Spinoza nous mettait déjà en garde . Ce n’est pas la photo qui déclanche le désir mais le désir qui constitue la photo comme désirable .Une autre approche que celle du désir , plus subtile selon Clément Rosset « rien de plus fragile que la faculté humaine d’admettre la réalité ».<br /> <br /> De cette réflexion , découle une logique irréfutable. Nous avons besoin ( le désir) de dédoubler cette réalité pour en supporter le poids , en amortir la violence parfois ou en contempler la beauté Personnellement ce désir de photos m’est devenu indifférent même si je ne demeure pas de marbre devant la beauté de la réalité d’ un beau paysage . Pourquoi vouloir rapporter à tout prix dans la photo un « acte d’écriture « pour soi des cailloux ,du sable à la maison ?Sauf si nous croyons , maîtrisons parfaitement la technique et avons l’ambition de réaliser une œuvre d’art pour la faire partager et admirer….affreux narcissisme …tout cela m’est passé depuis longtemps).<br /> <br /> Continuons un peu pour explorer modestement l’image . Je ne puis résister au plaisir de citer Jean Baudrillard qui constatait « Créer une image , ça consiste à ôter à l’objet toute ses dimensions une à une : le poids,le relief, le parfum, la profondeur, le temps, le relief, et bien sûr le sens ».<br /> <br /> Allons voir un peu du côté de Platon. Ce dernier l’avait bien vu , lui qui plaçait l’image imitant la réalité sous le signe d’un appauvrissement. L’image est la copie d’un objet sensible lui-même image de l’idée .Il accompagne l’image d’une condamnation morale : l’image imite et de ce fait est trompeuse nécessairement Simulacre de réalité , elle est toujours charmeuse et mensongère . <br /> <br /> Quel rôle l’image joue –elle dans nos sociétés modernes ?<br /> <br /> Image signifiante pour les uns , image-symbole , image –souvenir, image-écran, les fonctions de l’image sont aussi nombreuses que le pouvoir magique qu’on lui prête aujourd’hui encore est puissant .Chaque cliché à mon avis agit comme une micro assurance psychique que nous sommes bien là, que nous vivons ce que nous regardons et que la félicité est peut-être possible .Personnellement sans forfanterie aucune , ce stade est dépassé et quand je vois des personnes « mitrailler » un paysage , je ne leur en veux aucunement et éprouve une joie intérieure car je sais que cet acte leur procure un instant de bonheur éphémère certes , mais bien réel .Peut-être le Kaîros qui passe furtivement. Ils ne retrouveront jamais la plénitude de cet instant même en admirant plus tard cette image –souvenir , des regrets peut-être …. <br /> <br /> Pour terminer encore une citation de Jean Baudrillard qui donne une jolie définition de l’image photographique « Un piège tendu dans l’espoir que la réalité sera assez naïve pour s’y laisser prendre « <br /> <br /> <br /> <br /> NB : vous comprendrez aisément , les raisons pour lesquelles je ne voulais surtout pas prendre de photographie d’un paysage aussi idyllique soit –il . Ce qui ne m’empêche pas de reconnaître et de vibrer devant une belle photographie qui dégage une « aura » . c’est mon choix ,et de respecter ceux qui rapportent des photos à la maison même pour une « stimulation et un acte d’écriture » <br /> <br /> <br /> <br /> Amicalement Claude
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D
Merci Claude pour ce commentaire très nourri et pour le moins affûté.<br /> <br /> Il ne s'agit pas d'opposer le temps du vivre au temps de l'exister comme des moments distincts à cultiver. De même, il ne s'agit pas de privilégier l'un ou l'autre et d'ailleurs, la formule d'Héraclite le dit métaphoriquement à sa manière. Le vivre humain contient l'exister et l'existence contient le vivre. Le problème est de l'ordre de l'oubli, de l'effacement et du voile. Le dévoilement du vivre n'est donc pas un retrait dans un type de vie monastique ou d'ermite (ce qui est encore une manière d'exister) ou une fuite dans la nature sauvage car en vérité, nous n'échappons pas aux forces de vie et de mort. Il ne faut pas lire ces deux modalités - vivre et exister - comme des catégories normatives mais plutôt comme des expressions particulières de rapports de force.<br /> <br /> C'est pourquoi, l'expression, "trop vouloir vivre" n'est guère significative. On ne vit jamais trop. Que faisons-nous sinon exprimer nos forces, notre puissance, mais dans quel cadre, avec quelles intensités et quels types de discours pour justifier ses actes ? C'est là que doit se poser pour nous la question du régime affirmatif de nos forces propres et de la pensée qui l'accompagne.<br /> <br /> Le subtil équilibre consiste à vivifier son existence sans être constamment sous l'emprise des déterminations extérieures. Pour ma part, j'appelle cette attitude, "se tenir à un atome d'écart" ; l'art de la dé-route qui me rappelle sans cesse que sous les routes tracées se dissimulent des sentes ignorées, quelques vagues chemins de traverse, qui réservent bien des surprises et des jubilations.<br /> <br /> <br /> <br /> Une réserve concernant la photographie : elle n'est pas comme on le croit trop souvent, une captation, une fixation, une emprise mais une stimulation, un acte d'écriture, une matière propice au déploiement des forces.<br /> <br /> La photographe rapporte son argile, sa terre, ses cailloux à la maison, rien ne s'arrête et l'expérience sans limite deviendra peut-être une oeuvre pour faire vivre d'autres intensités à l'infini.<br /> <br /> Amicalement
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C
Exister est-ce se laisser vivre ? <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> <br /> Ce sujet traité lors d’un café philo m’a permis d’y voir plus clair et de répondre à ma façon à cette question essentielle à mes yeux .Exister ou vivre ?<br /> <br /> Si l’on reprend et j’en suis bien d’accord l’idée d’exister qui ne peut se dissocier des contingences sociétales , ( travail , famille ,relations sociales ect ) , cette existence chronophage peut nous cacher l’essentiel à savoir le vivre .<br /> <br /> Vivre à l’opposé est une recherche du soi profond , de nos aspirations propres , de notre puissance, qui demande un travail en profondeur permanent , ce qui ne peut être réalisé qu’en dehors de l’agitation sociale dans des moments de solitude choisie par exemple .<br /> <br /> .A trop vouloir vivre , nous risquons de nous éloigner de l’exister qui est cependant nécessaire à notre équilibre précaire . Quelle joie éprouvons nous à partager ou à faire découvrir bénévolement à l’autre des idées ou des techniques pointues ? Valéry disait magnifiquement « un homme seul est toujours en mauvaise compagnie » ce qui revient à dire que l’homme est un être social et ne peut vivre seul <br /> <br /> Si nous nous laissons à l’inverse emprisonner dans les contraintes de l’exister , nous nous éloignons alors de l’essentiel du vivre .<br /> <br /> Il existe donc un subtil équilibre entre le vivre et l’exister , ce serait les deux faces d’une même médaille . Le chemin juste consisterait donc à mes yeux à trouver cet équilibre entre les deux Le chemin qui monte et qui descend ,un seul et même chemin disait Héraclite . Trouver la mesure entre les deux , la ligne de crête entre le défaut et l’excès .<br /> <br /> Trop tomber dans le surbookage de l’exister chronophage ne nous rend pas heureux ,car nous aspirons alors à la paix et à la quiétude et trop tomber dans le vivre nous coupe des richesses qu’il nous faut « filter » de la vie sociale , en d’autres termes il nous manque toujours quelque chose .Ah l’incomplétude de l’être humain …<br /> <br /> Je me pose le plus souvent possible cette question avant d ’agir « quelles sont donc mes intentions « et je me la répète dans l’agir . Si je constate une adéquation avec l’avant et le pendant alors je suis dans la vérité , si l’agir m’en éloigne alors je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour arrêter et me rapprocher du vivre .<br /> <br /> Avoir à l’esprit notre bon Epictète pour trouver la voie entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas m’aide avant d’entreprendre une action afin d’avoir toujours à l’esprit le vivre comme ligne de mire A notre époque « cacher sa vie » comme le faisait notre brave Epicure parait assez difficile mais ce dernier cultivait la vie sociale un peu repliée sur elle-même et surtout la véritable amitié . IL serait stupide et sot de vouloir se retirer sur sa montagne et se couper du monde dans lequel nous surnageons .<br /> <br /> Trouver le pas juste après avoir longtemps dansé , laisser l’être être entre l’expir et l’expir , se rassasier d’un chant d’oiseau , découvrir un beau paysage de montagne comme si c’était la première fois à la manière de l’innocence d’un enfant ( mais surtout ne pas vouloir le photographier ) rien qu’ être …. Le pouvons nous ? pour vivre alors intensément , sans intention aucune , se laisser bercer en chevauchant le vent …<br /> <br /> <br /> <br /> CLAUDE
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C
On est ce qu'on ne peut pas s'empêcher d'être.<br /> <br /> <br /> <br /> Certains ne peuvent pas s'empêcher de se croire libre, d'autres ne peuvent pas s'empêcher de se croire le contraire.<br /> <br /> <br /> <br /> Moi je dis qu'on est ce qu'on ne peut s'empêcher d'être. Essayez d'être autre chose que ce que vous êtes, essayez de toutes vos forces et volontés, vous verrez, c'est impossible ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Sartre n'a pas pu s'empêcher d'être lui, moi, je ne peux pas m'empêcher d'être moi et vous qui lisez vous ne pouvez pas vous empêcher d'être vous-même...c'est ainsi...mais surtout ne me croyez pas sur parole !
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D
C'est parfait chère Sibylle, on ne saurait mieux dire. Juste une réserve cependant quant à l'épochè husserlienne inversée. Même de la phénoménologie, il est ici nécessaire de se déprendre, fût-elle inversée.
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S
La difficulté me semble t-il, est de s’extraire d’une philosophie du sujet, un sujet qui est éperdument en quête de sens. L’idée sartrienne de « choix » comme fondement axiologique de son existentialisme enferme le sujet dans cette visée exclusive. De ce fait, il y a une forme d’interventionnisme « rédhibitoire » chez l’auteur de la Nausée : l’homme n’est rien d’autre que cette sortie de soi, son pro-jet . Certes, pour le sujet, le passage de la puissance à l’entéléchie n’est pas donné et suppose le dépassement effectif de quelques contraintes et c’est tout à son honneur. Mais force est de constater que chez Sartre, cette liberté absolue d’agir est toujours intentionnelle. Là où certains reconnaitront un acte de noblesse, d’autres pourront dénoncer un enfermement quasi pathologique dans une philosophie du sujet. Un homme privé de son « originarité » de ses forces pures, de cette attitude naturelle, là où à l’instar du poète ( Rilke) « son statut le touche », bouleverse ses sens pour se tenir dans l’immanence et l’accueil de l’ouvert. Le « vivre »authentique pro-jette des pans du monde qui masquent et annihilent toute ob-jectivité, sans téléologie, sans intention donnée, rien d’autre au fond qu’un acte simple, qu’une épochè phénoménologique husserlienne inversée comme gage d’originarité, d’absence totale de symbolisation.
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D
Je comprends les réserves que vous émettez et d'un certain point de vue, je les partage. Mais c'est à condition de s'en tenir au primat de l'existence sur le vivre. L'existentialisme est une pensée mondaine car ouvertement humaniste. La réalisation de l'homme engagé (devant qui, pour qui, pour quoi?) remplace un mode d'existence par un autre.<br /> <br /> Le désengagement comme une sieste par exemple me paraît bien plus libre que l'engagement et "l'implication" la position métaphysiquement la plus juste.<br /> <br /> Bref, Sartre passe à côté de la dimension du réel, de l'insignifiance tragique. Le vivre se tient de ce côté, du côté du corps, de la nature, de l'insignifiance, des forces subreptices, non de la conscience qui n'est qu'une vague surface d'impressions, une émanation secondaire. Les idées de liberté, de choix et de projet résonnent dans le cadre d'un paradigme mondain et significatif. C'est encore trop chargé pour rendre compte de la pauvreté du vivre et de la création de la nature. <br /> <br /> Bien à vous.
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