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DEMOCRITE, atomiste dérouté
30 mai 2021

Valeur métaphysique des vacances

     Les vacances se définissent étymologiquement comme une expérience de la vacuité, c'est-à-dire d'une forme particulière de vide qui n'est pas le néant. Rien ne ressemble moins à une pratique de ce genre que celle du vacancier affairé, absorbé tout entier dans l'activisme bruyant et saturé dont le tourisme de masse constitue le triste et pathétique parangon. 

 

Hors du monde

   

      J'éprouve la vacance depuis longtemps lorsque, me libérant des pesanteurs d'en-bas, je rencontre les puissances mobiles de la terre, les forces insolites du ciel et le jeu mouvant des nimbes fantasques. Cette expérience me fait accéder à la conscience de l'in-humain ou plutôt du "hors-monde", car là haut, sur la cime de la divinité sans visage, les éléments se chargent de défaire toutes les catégories ordinaires de la pensée, de dissoudre tout désir d'emprise ou de conquête, de "Gloire" funeste et de réussite.

       Une part essentielle de mon corps entre en résonance avec la vibration des éléments et rien n'existe alors que ce "il y a" qui n'est rien de particulier, rien de saisissable mais qui pourtant est le Tout de la réalité. La vacuité est cette intuition de la rencontre des forces évanescentes qui font corps. Partout où des forces se croisent, se combinent, se heurtent, se mélangent, partout, naissent des corps. Là-haut, au sommet du Jaüt, mon Frère, tout là-haut, s'efface la civilisation, recouverte d'un océan, d'un fluide chargé de rendre vaquante toute cartographie, toute intention signifiante. La beauté des jeux de lumière est l'expression de la richesse des forces qui s'affrontent indéfiniment et sans bruit.

 

Occident

     C'est plus qu'un paysage que l'expérience délivre, c'est la conscience d'assister, ahuri, à l'irréductible étrangeté du réel et de sentir que d'une manière ou d'une autre, son propre corps y participe depuis toujours. Une joie sans cause assignable peut naître alors, une joie irrationnelle et tragique surgissant du fond sans fond de son imposture métaphysique, de cette incompréhensible présence dans ce quelque chose d'insaisissable qui est le réel pur et dont on se découvre le témoin virginal.

     La véritable vacance est une retraite du point de vue des activités mondaines et un retour à l'originaire d'un point de vue métaphysique. Ne soyons pas dupes que ce "retour" n'est qu'apparent. C'est que nous n'avons jamais quitté la vacance du réel même lorsque par un tour de passe-passe, nous faisons comme si nos représentations constituaient un monde et nous permettaient de partir en vacances. La grande traversée de la mer de nuage, la chute de l'astre majeur vers un indicible occident, l'approche irrésistible d'une nuit nouvelle percée d'étoiles vagabondes me rappellent cette vérité généralement inaperçue : quoique nous fassions, où que nous allions, nous sommes et nous serons toujours en vacances.

 

Sauvagerie

 

 

 

 

 

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Commentaires
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Les vacances c'est quand on arrive à être ici et là-bas en même temps.
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C
Et merci à Marie pour ce mot "ontophanique" qu'elle me fait découvrir avec plaisir !
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M
Depuis que je fréquente votre blog, qu’il me soit permis de vous dire que votre prise de photos évolue vers ce que d’aucuns pourraient saisir ou appeler comme étant un nouvel art pictural. Entre l’ombre et la lumière, le jeu des matières naturelles, aqueuses, boisées, herbeuses, et autres phénomènes atmosphériques captés par l’œil du photographe donnent non seulement beaucoup à voir mais suscitent et développent l’imagination poétique..Ces petites touches de couleurs déposées çà et là nous permettent d’accéder à la plénitude d’un sensible originaire, pur, non objectivable, une présence entière sans dehors, ni dedans, une vibration dans l’interstice. Nous quittons ici le champ de la représentation, de la reproduction pour faire surgir le caractère ontophanique de l’image en ce qu’elle dévoile une modalité cachée, l'intimité et le sublime de l’être du monde.<br /> <br /> <br /> <br /> Devant vos photos,mon cher Démocrite, ce qu’on perçoit n’est rien au regard de ce qu’on imagine....comme cela est heureux.<br /> <br /> Merci infiniment !
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L
ouiDémocrite, probablement.
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L
Je suis très content de connaître ce concept de...vacances, bien que je ne l'ai jamais encore expérimenté moi-même;-)
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D
Que dire après cela ? Que dire sinon "merci" pour ce poème qui saisit dans sa rythmique une part intime de l'expérience dont j'ai tenté de rendre compte.<br /> <br /> J'apprécie "le joli corps frileux", probablement celui de Démocrite d'Abdère soumis aux caprices météoriques.<br /> <br /> Et pour reprendre les deux mots du camarade Cédric, "Très beau!!"
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M
Ses pieds sont nus sur ces beaux monts herbeux<br /> <br /> Le vent alizéen caresse son joli corps frileux<br /> <br /> Emporté lui aussi par quelques ascendances <br /> <br /> Troublé par ces vapeurs, ô douces évanescences !<br /> <br /> <br /> <br /> L’azur pose son rythme : des nuages en virgules<br /> <br /> S’insinuent dans le ciel où l’air tintinnabule<br /> <br /> Tout là haut, tout là haut son esprit déambule <br /> <br /> Happé par l’infini d’un horizon sans bulles<br /> <br /> <br /> <br /> Incurvés sur les crêtes les nuages foisonnent<br /> <br /> Invitent Démocrite, l’éblouissent, l’arraisonnent<br /> <br /> Contre ces corps rocheux que le soleil festonne<br /> <br /> A la tombée du jour ses yeux pleurent, s’étonnent<br /> <br /> <br /> <br /> Quelque chose s’échappe,ce n’est rien, une absence<br /> <br /> En vacance des hommes, il côtoie cette présence<br /> <br /> Stupéfiante sensation : la traversée du silence.<br /> <br /> <br /> <br /> (La traversée du silence. Marie- Juin 2012)
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C
Très beau !!
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