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DEMOCRITE, atomiste dérouté
30 juin 2012

Humeur atmosphérique

    

 

      J'ai souvent noté dans mes soliloques combien je me sentais d'humeur atmosphérique, fusionnant avec l'étonnant régime aléatoire des flux, des masses d'air, des fronts rageurs qui traversent indifféremment les espaces et des anticyclones œuvrant à l'euthymie réparatrice. C'est ainsi, suis-je tenté de dire. Les forces météoriques ont chez moi une puissance de pénétration toute particulière comme si elles me contraignaient sans cesse à éprouver une sorte de dépossession fondamentale. Il me paraît de plus en plus vivre dans l'ouvert et devenir comme une caisse de résonance des éléments qui sont ici en circulation.

    "L'homme n'est pas un empire dans un empire" écrivait Spinoza. Par là, il voulait pointer combien la nature n'est pas un objet extérieur ni l'homme une forteresse à l'abri dans une subjectivité autocentrée à la manière des monades (Leibniz) ou d'un moi capable d'auto-fondation (Descartes). La nature, c'est l'englobant, le tout qui nous détermine et nous affecte sans cesse. Nous sommes, en ce sens, des modalités de la nature ou du réel.

     Je ressens d'autant plus la force des éléments qu'elle me paraît communiquer avec mes propres forces soit pour les amoindrir soit pour les exciter et les mener à un déploiement plus grand. Il me suffit de me lever le matin et de contempler un ciel azuré traversé par les Pyrénées éternelles pour me sentir l'âme d'un isard prêt à courir dans les estives. Et lorsque le ciel est bas et triste pendant des jours comme au septentrion, alors me voilà saisi d'un désir irrépressible "d'enfouissement". 

     Peut-être, suis-je devenu mobile et impermanent au point de coïncider avec cette fluidité incessante des vastes courants aériens qui font la pluie et le beau temps. Peut-être s'agit-il d'une expérience métaphorisée de "la branloire pérenne" dont parle Montaigne. Expérience continentale en vérité si l'on veut bien se donner la peine d'y réfléchir quelque peu. J'ai déjà noté ici-même que le véritable continent n'est pas la terre ni même l'océan comme le soutient Sloterdijk mais l'atmosphère. L'atmosphère "contient" les éléments telluriques et l'eau et la chaleur du soleil et les conditions fondamentales de la vie. Ce constat a quelque chose d'effrayant : le continent n'à ni bord, ni frontière, ni rigidité, ni sol, ni sécurité. Il est l'insaisissable, le mouvant, l'évanescent, l'instable et la conflictualité. Il nous interdit toute colonisation et nous renvoie à l'impermanence universelle.

     Il n'est pas impossible que cette humeur particulière aussi volage et infidèle que l'arc-en-ciel, aussi incertaine et menaçante que la foudre soit le fait de l'intuition tragique qui est la mienne. L'effraction réitérée du ciel incertain en mon esprit fait de moi un météore hagard, un nébulon solitaire constamment dérouté, errant sans gîte dans le vaste continent atmosphérique. Entre repli et affirmation, mon cœur balance et ma gueule d'atmosphère hésite.

 

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Commentaires
D
Il y a de l'intuition atomistique dans ce témoignage poétique. L'enfant ressent les éléments avec beaucoup d'acuité quand il parvient à abandonner la sensation au seul présent. Ces expériences demeurent et constituent des biens précieux pour la vie.<br /> <br /> Amicalement
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L
J'étais enfant et les déflagrations<br /> <br /> du ciel assombri envahissaient l'espace,<br /> <br /> tandis que nos pas se hâtaient vers le refuge.<br /> <br /> j'aimai cette supériorité des éléments, <br /> <br /> dans le fracas du ciel ma petitesse <br /> <br /> m'était <br /> <br /> excitante.<br /> <br /> je faisais partie d'eux, ils étaient en moi.<br /> <br /> Ainsi,j'ai toujours rêvé de puissance de pénétration,là-haut,pendant un orage.
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C
En effet, toutes sont des paroles en l'air qui finissent toutes pas se dissoudre, se disperser, n'avoir jamais existé...
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D
Les paroles ne sont-elles pas toujours des paroles en l'air, même les plus lourdes ?
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C
Merci pour le mot 'euthymie' que j'apprends grâce à vous !<br /> <br /> <br /> <br /> En écho à vos mots, une petite phrase : Les plus légères sont les paroles en l'air.
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