Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
DEMOCRITE, atomiste dérouté
11 février 2013

L'hystérie : syndrome grégaire de la bonne femme

 

     L'hystérie est la forme la plus grégaire de la maladie mentale. Elle est à ce point partagée et collective qu'elle constitue une normopathie toujours inaperçue de ses membres, membres dont l'objectif inavoué car inconscient, vise toujours la contamination la plus large possible. L'hystérie est une maladie virale donc profondément sociale avant d'être l'expression d'une souffrance singulière. Nous avons cru en ce dogme économique consistant à libérer la parole du névrosé par la psychothérapie. Nous avons cautionné la cure psychanalytique comme acte de réappropriation du sujet par lui-même. Mais nous n'avons pas vu d'où procède le syndrome, dans quelle réalité hétéronome il puise son énergie et sa persistance, de quels instincts il est la triste émanation.  

     Partout, suintent dans les plis poreux des discours revendicatifs, dans les expressions communes du devoir de sécurité [dans le métro toulousain, les conversations dans les rames sont désormais enregistrées pour la sécurité des voyageurs !], de protection et de prise en charge de la faiblesse et des minorités [comme le débat sur la défense et le refus du droit au mariage homosexuel], dans la relation d'aide et même dans les intimes confidences, un refoulé hystérique et ressentimenteux, une hargne d'autant plus sourde qu'elle est toute imprégnée de bons sentiments et des égards dus à celui ou celle qui donne à l'Autre le bâton pour se faire battre jusqu'à l'humiliation. Les médias et les journalistes sont, sur ce point, d'excellents vecteurs de la contagion hystérique qu'ils renforcent sans vergogne. 

     A vrai dire, son expression organique, étudiée par Charcot puis par Breuer et Freud n'exprime que difficilement l'autre réalité masquée du processus. L'hypnose puis la psychanalyse ont enferré la pathologie hystérique dans l'histoire infantile du sujet, dans le passé traumatique de l'individu renvoyé à sa névrose, à ses conflits, à sa structure propre. Et le tour est joué ! Qui a vu que la stratégie du médecin, affiliée à l'institution qui lui confère sa légitimité, est elle-même prise dans un jeu de pouvoir dont la nature hystérique n'est que rarement interrogée mais que par exemple le film d' Alice Winocour, Augustine révèle dans une certaine mesure.

      L'organisation hystérique centrée autour de ce qu'il faut bien appeler un théâtre phallique se confond avec l'hôpital dont le but n'est pas de soigner mais d'assurer la pérennité des maîtres lorsque chacun est la dupe volontaire de l'autre. Aussi, Augustine, la névrosée-modèle a-t-elle intérêt à jouer le rôle, à sauver la structure hystérique de l'institution et avec elle du Professeur Charcot, menacé de perdre son pouvoir devant ses pairs.

     La crise aiguë n'est que l'expression finale d'un processus collectif qui entend bien utiliser cette jouissance pour se renforcer lui-même. Aussi, ce n'est guère l'individu qui compte mais plutôt ce que ce dernier protège par ses symptômes virulents, par ses contorsions obscènes, par son insistante morbidité. Nous avons momentanément cru en la dimension politique de l'hystérie, en sa revendication féministe, singulière et irréductible. Mais nous nous trompâmes lourdement. Car le monde politique et l'économisme qui l'accompagne sont l'expression la plus sournoise et la plus dramatiquement insidieuse de l'hystérie commune. Le pouvoir hystérique s'y renforce dans la revendication compassée et bien-pensante des droits et des devoirs.

      Il y a dans le processus hystérique ordinaire, celui des "bonnes femmes" ce quelque chose qu'on ne veut pas voir ni interroger, cette délectation morose visant à s'emparer du malheur d'autrui, à s'y vautrer autant que faire se peut dans une prise en charge magique opérée par l'entité la plus large possible (la famille, le clan, la communauté, les institutions...). Mais cette prise en charge, sans rapport avec une quelconque résolution du syndrome, l'entretient et l'accuse dans une compassion qui mêle aisément les pulsions les plus agressives (sadisme-masochisme) et d'autres apparemment domptées comme la commisération, la sympathie ou l'apparente affectation.

     L'hystérie est une affaire de pouvoir non de puissance. Ce pouvoir est le phallus convoité dans une hallucination qui prolifère sur un mode clanique (voir par exemple le film La Chasse, dans lequel un animateur de jardin d'enfants est piégé par "une bonne femme hystérique", puis par la totalité du village entièrement contaminé par le même syndrome). Les effets sont catastrophiques pour celui qui fait l'objet de la haine hystérique des bêtes à cornes. Car cette redoutable logique cherche son sacrifié, le détenteur imaginaire du phallus qu'il faut réduire au silence et détruire par tous les moyens en s'en prenant à son honneur, à sa puissance propre, à sa virilité, à son indépendance.

      Combien de relations faussement amicales animées par des structures hystériques inavouées ? Combien de confidences livrées aussitôt converties en haine, en passions tristes, en ressentiment ravageur, en obscénités pitoyables ? Combien d'amours apparemment libres et pourtant aliénées dans la jouissance de l'anéantissement ? L'hystérique, homme ou femme, est "une bonne femme" impitoyable, trouvant partout des allié(e)s pour renforcer son médiocre et misérable pouvoir. Le syndrome n'est ni plus ni moins que la victoire du social en soi, la récupération définitive des forces propres au service d'un régime commun, utérin, auquel on sacrifie tout et même, le cas échéant, sa petite crise existentielle dans laquelle pointe sans doute, un atome inaudible de vérité. 

 

 

 

 

 

Publicité
Publicité
Commentaires
D
Je ne puis, ni n'ai le désir, de dissiper vos doutes et d'ailleurs, heureusement, vous ne le demandez pas. Il est des choses qu'on voit, certaines qu'on pressent et d'autres pas. Un lexique n'est significatif que lorsqu'il rencontre l'expérience. Aussi, je comprends tout à fait que votre opinion soit celle dans le cas présent d'un accouchement sans enjeu. Comme vous le dites, c'est une opinion.
Répondre
O
"indifféremment ÊTRE remplacé par une autre", pardon.
Répondre
O
Hystérie est un mot que j'ai rencontré de partout sans que quiconque ne soit jamais parvenu à m'en donner une définition quelconque ! Je vois des nénettes qui se contorsionnent, mais cela ne me renvoie à rien d'un état mental précis qu'on appelle hystérie. Quant au phallus et à tout ce lexique, là encore, il ne m'indique rien, sinon que ce champ lexical de la psychanalyse pourrait indifféremment remplacé par un autre...Dans ce clair-obscur les mots s'échangent, muent des uns aux autres,, en une sorte de fondu enchaîné où l'on ne sait plus qui parle de quoi... D'où mes sérieux doutes quant à leur validité. Un doute n'est pas une certitude, mais quand même, les montagnes de papier consacrés à ce type de discours me semblent accoucher de souricettes polymorphes dont on ne voit pas que l'on puisse faire grand-chose de concret. Pire, de réel...Ceci est une opinion.
Répondre
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Publicité