Dhafer Youssef, le poète aphasique
L'énigme d'un dire qui ne peut plus se dire dans la parole ordinaire, dans la pensée ordonnée par la raison discursive trouve sa résonance dans la musique et la voix de Youssef qui se font chair. La musique dissout la volonté et destitue l'Idée jusqu'à ce que le corps prenne enfin sa place et impose son incroyable complexité à la psyché. Je ne suis pas sûr que Schopenhauer aie raison lorsqu'il soutient que la musique crée cette parenthèse propre à maintenir le vouloir vivre à distance. Mais ce qui m'apparaît, c'est plutôt le fait d'une libération qui n'est pas un apaisement. Des forces jusque-là tues et tapies dans l'ombre surgissent. La guitare fait vibrer l'organisme et le chant devient poème de feu qui, dans sa mélodie consume les résistances.
La musique initie à la temporalité des profondeurs libérant une parole aphasique, délivrée de son intention signifiante. Le tunisien ouvre sur les silences infinis, musique de l'autre rive, une musique qui propulse l'auditeur à la lisière du réel, dans un Orient décomposé en mélodies pures et en vibrations.
A découvrir absolument ici (Yabay) et là pour un voyage au coeur des Ondes Orientales.