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DEMOCRITE, atomiste dérouté
7 mai 2019

Un cheminement tragique

 

       J'ai connu la fatigue, l'épuisement des facultés, l'affaiblissement radical de ma vitalité. J'ai senti, sous le masque et le vernis des habitudes, le risque d'effondrement et le vertige devant mon propre anéantissement. Il m'a semblé pourvoir disparaître en éprouvant une forme étrange de soulagement dans l'abandon, dans l'attente même d'une fin possible. La fièvre avait emporté dans son brasier le désir d'un retour et l'idée d'une lutte pour la vie. La volonté s'était soumise à la turbulence indomptée de la pathologie.

       Je n'avais pas vu combien cet état, pour le moins contrarié, était encore le signe d'une force vitale, cette même force qui me portait à laisser faire la ressource méconnue de l'organisme, lui qui me dépossède de tout effort, de tout courage et maintient dans l'affrontement ma conscience hors du champ de bataille. C'est donc comme étranger à moi-même que "j'ai vécu de me savoir mortel". C'est comme étranger que je traverse ce que j'appelle la vie, ignorant que je suis de ma propre puissance mais tragiquement conscient de ma faiblesse d'humain.

       Dans le creux de la dépossession, j'aurais pu cultiver cette bile noire qui m'aurait définitivement fixé à la perte, à l'effroi d'un deuil impossible et sans cesse réitéré, me rappelant que la mort n'est pas à la fin mais à l'origine de toute vie. Mon humeur, pétrie par la blessure saignante, circulant dans mes veines sur un mode mineur, m'aurait fait voir l'infamie de ce monde à travers le prisme affligé de mes larmes.

      Ce n'est pas tout à fait ce qui s'est passé. Si la faille s'est indéfectiblement inscrite dans la psyché, elle ne cesse depuis de mobiliser une somme incalculable de forces d'attraction et de répulsion pour ne pas s'y jeter, s'y perdre ou s'y noyer. A chaque instant sa destruction, à chaque moment sa création. La tristesse et la joie sont les deux faces d'un même processus, deux modalités de la force. L'une et l'autre disent pourtant la même chose, c'est que le réel est tout-un, jusque dans les contrariétés qu'il nous inflige, telle la maladie qui n'est jamais extérieure à la santé. "Le chemin ascendant et descendant sont un et le même". (Héraclite)

       Saurons-nous l'emprunter sans nous raconter d'histoires ?

 

 

 

 

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Commentaires
S
Mains nues, pieds nus : voici l’homme araignée vis-à-vis duquel je restais adolescente, ébahie devant autant de grâce. Si vous avez la patience cher Démocrite et cher Cédric, écoutez ce petit film jusqu’au bout : ses mots de la fin sont remarquables …Une vie au bout des doigts, cœur à cœur et corps à corps avec l’impossible verticalité.<br /> <br /> <br /> <br /> Un frisson infini...<br /> <br /> https://www.youtube.com/watch?v=xCmXA91Ss8w
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D
Quelle séquence Cédric !!! Incroyable ! J'en ai les mains moites rien que de visionner ce petit film ! J'avoue que le vertige me prend immédiatement dans pareilles conditions.
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C
Il m'arrive souvent d'avoir les mains moites moi aussi quand je regarde Alex Honnold par exemple (le maître actuel de la discipline) faire du "free solo", c'est-à-dire faire de l'escalade sans aucune sécurité. <br /> <br /> <br /> <br /> Voici une présentation de l'homme en question : https://www.youtube.com/watch?v=SR1jwwagtaQ<br /> <br /> <br /> <br /> Vive les mains moites. ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Ce qui est étrange c'est que je constate avoir presque à chaque fois les mains moites après avoir visionné une de ses ascensions mais pourtant je n'ai pas le vertige, je ne ressens pas de vertige à la vue de ces images ni de peur consciente, ça doit être autre chose qui s'active en moi, peut-être un instinct primitif du danger qui se manifeste en moi...
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C
À une main : http://www.youtube.com/watch?v=NsGC0lZ-5g8
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M
真棒啊!
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D
En effet, l'abîme, le vide, l'effondrement et l'effroi ; c'est bien l'ancien chemin vertigineux de Hua shan.
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M
-c est huashan ,ou plutot c'était.
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M
Cette photo évoque Hua Shan ...
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I
"...à l'effroi d'un deuil impossible et sans cesse réitéré,..." je lis, je réitère, ici, partout ailleurs, je ne trouve pas. je suis enfermée dans la tranche du miroir, le jeu avec le je, aucun appel possible, aucun écho audible, la sortie n'a pas d'issue, je porte mon absolutisme comme dernier étendard, vêtement symbolique de l'ordre du linceul du christ, un lambeau qui n'a plus lieu d'être mais qui demeure intact au mien...
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C
Très beau, cher Démocrite !
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