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DEMOCRITE, atomiste dérouté
9 janvier 2014

Fidèle à l'infidélité

 

       Qu'est-ce que la fidélité ? Une somme d'infidélités surmontées.      

      La seule fidélité qui mérite d'être vécue n'est-elle pas celle qui se réclame de la plus haute, de la plus difficile, de la plus grandiose infidélité ?  Qui regardera en face ses incalculables trahisons, ses minuscules et innombrables tentations, ses fantasmes et ses déviances les plus saugrenus, ses impératifs catégoriques calcinés par les désirs les plus inavouables ? Il y a là, dans la froide et lucide reconnaissance du mouvement de sa propre intériorité, les signes évidents d'une vérité supérieure parce que scandaleusement inaperçue et pourtant si proche de la dynamique vitale. Il y a là une attitude autrement digne de considération que celle qui se complait dans l'hypocrisie de la fidélité affirmée et de la morale commune ! 

      Certains esprits, rares, s'en emparent et cultivent en esthètes la belle infidélité, faisant du jeu la subtile danse de la rencontre. Le jeu est le secret et la vie se joue de nous à tout moment et plus encore dans nos certitudes, nos engagements et nos promesses. Dans l'infidélité surgit une musicalité singulière avec ses arythmies, ses dissonances, ses silences et ses écueils.

     Magie de l'écart, de la distanciation, de la séparation, de la séduction pour l'ailleurs. Facéties du clinamen et de la plus inattendue des possibilités.

     Se perdre, se tromper pour se retrouver comme étranger à soi-même, à l'autre, à l'humanité entière et devoir apprivoiser cette nouvelle étrangeté, cette énigme et la perdre à nouveau inlassablement, moi qui ne cesse d'être infidèle à ce que je suis. 

       Le Dérouté fait signe vers la Danse du libre, vers la créativité qui rend toute pensée infidèle et tout devoir caduc. Ayant déchiré le voile de l'emposture, devenir une fois pour toutes, fidèle à l'infidélité !

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Commentaires
I
J’approuve vos remarques , cher Didier, mais je m’interroge … <br /> <br /> Cet ailleurs existe-t’il ou n’est il pas plutôt une distance que le sujet pose entre lui et le réel .En réalité cet horizon de l’ailleurs n’existe pas. C’est le sujet qui crée la distance entre lui et cet ailleurs imaginaire. Il n’y a pas d’ailleurs lorsqu’on se déplace (j’entends bien mobilité intérieure) .Et c’est ce déplacement, décentrement, mouvement même, qui est fondamental. Le dépaysement de l’ailleurs est avant tout un dessaisissement de soi, parce qu’il remet le sujet en contact avec le mouvement puissant de la vie, mouvement vers l’ouvert, l’inconnu. Et la « véritable fidélité à soi » se révèle sans doute dans ce mouvement même vers l’ouvert.
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D
Merci chère Bernadette. Tu interroges, me semble-t-il, le dépassement de la dualité fidélité/infidélité comme 2 catégories prisonnières du langage. Je crois que la synthèse se trouve dans une "éthique de l'infidélité", les mots ne devant plus être des prescriptions chosifiées mais simplement des mouvements faisant "signe vers..." une nécessité vitale". <br /> <br /> <br /> <br /> La difficulté consiste à faire confiance (fides) à la mobilité intérieure pour affronter ses propres trahisons, ses écarts, tout ce qu'on est et qu'on n'est déjà plus en même temps. <br /> <br /> <br /> <br /> "Fidèle à l'infidélité" revient donc à avoir confiance en sa capacité d'aller voir ailleurs si on y est, histoire de changer de perspective et de découvrir une aurore nouvelle et singulière. C'est dans ce dépaysement nécessaire qui possède la plus haute valeur éthique que se révèle la véritable fidélité à soi comme aux autres et non dans le dogme de l'impératif catégorique : "il faut". <br /> <br /> <br /> <br /> Ce jeu, cet écart constituent aussi un risque, un risque de perdre l'ancrage initial. Ulysse rentre à Ithaque, comment pourrait-il être seulement le même ?
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I
Ce texte est très riche, cher Didier, et je vous fais part de quelques réflexions qui ont germé dans la nuit matinale.<br /> <br /> <br /> <br /> Infidèle à ce que je suis ?<br /> <br /> <br /> <br /> Cela sous entend que le sujet s’envisage, se considère comme déterminé, défini, connu, limité, borné. « .Je suis ceci », « je suis cela », « moi je », « moi, j’ai besoin de » etc.…<br /> <br /> Dans cette perspective, le sujet ne s’ouvre à autrui que dans la mesure où celui-ci conforte cette image de lui-même, et n’est invité à partager cette demeure qu’est ce petit moi qu’à la condition qu’il ne dérange rien et ne la mette pas en péril. Au risque de « demeurer » le sujet meure à petit feu jusqu’au jour où une rencontre, événement, maladie, accident, deuil, rupture, vient ébranler ou détruire cette construction obsolète qui ne le protégeait que de lui-même. L’infidélité à ce que je suis ou croyais être se vit alors. Mais, parfois, la fidélité à ce « moi » est si épaisse, gluante, que le sujet s’ingéniera à reconstruire sa forteresse ailleurs, coûte que coûte, tant la peur d’affronter ce qu’il a pu entrevoir quelques instants, et ce qu’il devra abandonner est immense.<br /> <br /> Une autre perspective s’offre à celui qui considère le sujet comme processus, lui-même en interaction constante avec d’autres processus. Chez lui, plus d’imperméable, ni de parapluie. Plus de demeure fixe, juste une petite valise où il conserve le strict nécessaire pour lui-même. Son rapport au réel est celui du voyageur, explorateur, créateur, étonnateur, jouisseur. Rien ne lui est plus étranger et ennuyeux que l’immobilisme, le définitif, le limitatif. Ni donc fidèle ou infidèle à ce qu’il est, car en perpétuel devenir. C’est la vie dans toute sa spontanéité et pleine présence qui l’aimante. Et plus il est vivant, plus il est lucide .Plus il est lucide, plus il est libre. Plus il est libre, plus il est aimant…<br /> <br /> « La maturité de l’homme, c’est d’avoir retrouvé le sérieux qu’on avait au jeu quand on était enfant. » Nietzche. <br /> <br /> .
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D
Merci Cédric, nous partageons la même intuition. <br /> <br /> Bien à vous
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C
Voilà à nouveau un texte qui me parle. Et comme j'aime à le faire parfois ici, plutôt que d'y écrire avec d'autres mots ce que j'ai déjà écrit ailleurs, voici une petite sélection de phrases jouant avec cette idée de la fidélité :<br /> <br /> <br /> <br /> "3271.<br /> <br /> - Tu sais Cédric, moi, je reste fidèle à moi-même !<br /> <br /> - Ah oui ? Eh bien moi, pas du tout. Si j'étais resté fidèle à moi-même depuis ma naissance, je serais aujourd'hui un type qui ne ferait que des « areuh »."<br /> <br /> <br /> <br /> "3567.<br /> <br /> Aimer tous les lieux, tous les instants.<br /> <br /> Être sans cesse infidèle à l'instant, au lieu précédents.<br /> <br /> N'être fidèle qu'à ici et maintenant."<br /> <br /> <br /> <br /> "3568.<br /> <br /> Je ne suis fidèle qu'à la phrase que je suis en train d'écrire, qu'à la pensée que je suis en train de penser.<br /> <br /> Je trompe toutes les autres."<br /> <br /> <br /> <br /> "4028. Je suis très très fidèle : je suis fidèle à toutes les femmes que j'aime."<br /> <br /> <br /> <br /> Au plaisir de vous lire. :-)
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