Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
DEMOCRITE, atomiste dérouté
25 novembre 2014

Aimer la nature

Sauvagerie en vallée d'Aspe

 

          Le vol du vautour fauve impressionne toujours le marcheur, le contemplatif, l'amoureux des cimes et de la nature encore ensauvagée. Loin du carcan saturé des bruits de la civilisation, il existe des espaces de grand silence hantés par des maîtres-planeurs, héritiers d'un monde sans paroles et sans fard. Leur envergure de géant les porte au dessus des abîmes, délivrés de la pesanteur, se laissant voguer comme des surfeurs sur la houle invisible des vents contraires.

          Cette paresse, cette langueur lymphatique, cette apparente tranquillité dissimulent un tempérament de charognard, un vouloir vivre sans compromis dans sa férocité instinctive. La splendeur de son vol sans effort maquille l'oeil fauve du prédateur patient, affamé et vorace.

         Que suis-je pour lui sinon un cadavre en sursis, un tas d'organes au potentiel sanguinolent, la promesse de goûteuses viscères ?

        Alors que le poète loue la grâce de l'oiseau, sa sagesse du moindre effort, sa virtuosité de voltigeur, le rapace cherche obstinément le corps malade, putride, rongé par la vermine, la décrépitude annoncée de l'animal en fin de course. Je lis dans son oeil ironique sa déception de me voir vivant !

         Qu'ai-je donc aimé dans ce lourd silence de la nature sinon le goût de l'effroi et l'ombre mouvante de la mort qui plane sur la précarité de mon pas ?

 

          

Publicité
Publicité
Commentaires
C
En l'observant, votre plume est devenue vautour. <br /> <br /> <br /> <br /> Le texte même étant un vol de rapace au-dessus de notre condition humaine.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais si vous prêtiez vos mots à un poussin, à un papillon ou à un paresseux, quels textes cela produirait-il ? ;-)
Répondre
D
La férocité dont il s'agit ici n'est pas une catégorie morale ou un jugement de valeur mais une expression de la vie sans médiation. Le vautour est tout ce qu'il peut être, à l'image de son bec de charognard destiné à arracher les chairs et les parties tendres d'un organisme avarié. Quant à l'effroi, il est celui de la conscience inquiète, éveillée à sa propre disparition, contemplant dans l'oeil du rapace son immanence organique recyclable en vautour fauve ! <br /> <br /> Gare à l'anthropomorphisme, en effet Cédric. Pour penser le vautour il faut assumer un "devenir-vautour" pour parler comme Deleuze. Le "devenir vautour" est en prise avec son organisation physiologique, ses serres, sa longue diète, son appétit, son survol et sa façon toute particulière de se battre pour asseoir sa position hiérarchique. Je ne sais pas ce que pense le vautour ni si il pense mais je sais que si je chute dans la pente et me blesse grièvement, je ferai la joie d'une congrégation de volatiles pour laquelle ce qui compte n'est pas le fait que je sois ou ai été un homme mais plutôt que je sois un bien de consommation.
Répondre
C
Joli angle de vue non dénué d'ironie féroce, cher Démocrite.<br /> <br /> <br /> <br /> Mais toutes ces intentions ou ce tempérament prêté au vautour dans ce texte, ont-elle un fondement réel, ne sont-elles pas qu'humaines, ces intentions ? Qu'en sait-on de ce qui se passe dans la tête d'un vautour ? <br /> <br /> <br /> <br /> Me vient cette réflexion concernant la différence entre l'homme et l'animal :<br /> <br /> <br /> <br /> La différence entre l'homme et l'animal, c'est que l'animal ne pense pas l'homme.
Répondre
S
Sensation de « l’effroi » dans ces circonstances oui peut-être.. Présence de l’incertain et de tous ses possibles, assurément. <br /> <br /> Pour autant, j’ai pu observer tantôt sur un fameux plateau des montagnes pyrénéennes un spectacle qui me glaça le sang. Effroi de l’humain ! <br /> <br /> Un jeune homme ganté portant une gibecière, debout au pied d’un arbre où « SON » faucon des Andes avait résolument décidé de rester là haut perché depuis presque trois jours, il appelait désespérément le pauvre volatile.<br /> <br /> Usant en vain de nombreux stratagèmes pour REPRENDRE SON OISEAU, il décida d’employer les grands moyens, les plus vils, les plus écœurants ! Il sortit de sa besace un pigeon vivant qu’il plaça sur le sol, la patte attachée à une corde reliée à un pilier dans la terre. Au sol, l’appât, le petit oiseau sautillait, boitait tirait à hue et à dia pour échapper à son funeste destin.<br /> <br /> La nature eut une belle réponse : Le faucon des Andes observa l’oiseau terrassé et terrifié au sol, s’en détourna pour observer l’azur et (res)sentir les premières vibrations de sensations perdues, oubliées peut-être mais simples et légitimes : la liberté de voler, non mieux la liberté de vivre.<br /> <br /> L’animal ne prend que ce qu’il a besoin, l’effroi et la férocité restent le triste privilège des hommes.
Répondre
Publicité
Newsletter
Derniers commentaires
Publicité