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DEMOCRITE, atomiste dérouté
16 février 2016

Enserré ?

 EnserréEnserré

       Ces vacances débutent mal alors que s'offre à moi quelque chose qui pourrait s'apparenter à une nouvelle liberté. Ciel gris et bas, vent du nord, froid, mordant comme lorsque je vivais sur les terres glacées du Grand Est. Il fallait bien que l'hiver finisse par se pointer. C'est fait ! Les montagnes ont disparu, planquées sous des tonnes de neige, et ces nébulons retors ne donnent guère l'impression de vouloir céder du terrain. Je reste au chaud, à l'abri des intempéries, mais pas des coups qui frappent décidément de tous côtés, me rappelant quelques morsures passées mal négociées, mal cicatrisées.

     Parfois, d'étranges éclaircies me traversent l'esprit, des songes épars et vagabonds comme si une nouvelle existence allait vraiment débuter, une aube claire et rosée, une aube aussi neuve et décisive que le jour naissant et avec elle, quelque chose d'insolite et de frais, comme une touche de vérité au milieu du marasme. 

Aube nouvelle

     Mais l'astre majeur semble ne plus vouloir se lever. Bien vite, les structures anciennes reviennent à la charge avec les nimbes polaires et colonisent mes perspectives pour neutraliser ce qui me reste de force. Alors je reste chez moi, seul. Je me risque avec la version d'Oedipe-Roi de Pasolini. Mon esprit s'échappe, incapable de suivre le mouvement lent de la caméra et cette transposition italienne de la tragédie grecque. Et puis, c'est trop lourd, trop massif, trop encombrant! J'aimerais danser sur les intempéries mentales et rejouer les mélodies espiègles de jadis lorsque je croyais ouvrir l'horizon par la seule force de mes rêves et de mes désirs. C'est si loin ! Où sont-ils ?

 

Barbat

 

     J'ai toujours été plutôt sociable tout en aimant ma solitude. Partout où j'ai vécu, j'ai éprouvé le désir de créer avec d'autres, des groupes de recherche et d'étude, fédérant les énergies dans une démarche collective : ici un groupe d'épistémologie, là de poésie, ici de philosophie. Je garde le souvenir actif des cercles d'amateurs de fumerolles et des discussions impliquées. Je me plais à  favoriser la construction des liens même si j'en sais la précarité. Je connais aussi leur force, leur possible intensité ayant à maintes reprises constaté d'incroyables moments de création et de jubilation.

    Je me suis investi sans me forcer dans mes relations d'amitié, me rendant volontiers disponible, n'hésitant pas à provoquer parfois, à interroger mille et une choses, acceptant de me risquer à mon tour. Je crois faire montre d'une curiosité réelle pour mon prochain mais non inquisitrice, supportant mal les conduites agressives comme la flagornerie relationnelle si répandue. Si je mets les formes, je me montre particulièrement franc et direct, ce qui m'a valu pas mal de déboires ces dernières années, d'amères déceptions. Mais je ne regrette pas ce que j'ai pu dire ou faire sans quoi je n'aurais pas été moi-même. Je vois tant de lâcheté et de compromission autour de moi, tant de phraséologie pour se soustraire à tout rapport de vérité que je dois accepter une solitude bien plus radicale aujourd'hui qu'auparavant. Et que penser des relations d'amour ? "Donner ce qu'on n'a pas à quelqu'un qui n'en veut pas", comme le notait Lacan dans une formule autant cinglante qu'indépassable. 

Realtion de sable

     Relisant Schopenhauer, je trouve d'abord un vague réconfort. Je vois bien que je ne suis pas seul à éprouver une distance critique vis-à-vis de mes contemporains. Mais je ne peux encore me résoudre à cette misanthropie systématique, à "ce dégoût qui doit permettre de s'accoutumer aux propriétés bienfaisantes de la solitude".  Sans doute n'ai-je pas encore atteint le degré de suprême férocité qui me ferait planer en charognard au-dessus de la mêlée et vivre des grands espaces. Mon idiosyncrasie est trop épicurienne, trop démocritéenne pour me retirer sur les cimes de l'amertume.

P1370965_modifié-1

     En contemplant quelques images prises il y a peu, j'ai songé à la liberté inconsciente du jeune adulte que j'étais, lorsque je traversais toute la France à moto pour partir sac à dos et me perdre des jours durant en pleine nature. Je ne peux plus l'envisager ayant désormais mal presque partout.

       Ce songe et ces quelques méditations me donnent l'impression assez cruelle que les meilleurs moments de ma vie sont, pour l'essentiel, derrière moi, lorsque mes illusions de jeunesse me portaient, insouciant, vers l'inconnu. 

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Commentaires
D
La question se pose de savoir quelles sont les conditions réelles de la créativité, sur quel système de forces cette dernière est rendue possible alors même que partout guettent les forces réactives qui visent la répétition et la sécurité. <br /> <br /> Sans une pensée des profondeurs, il est difficile d'appréhender le processus créatif ce qui ne signifie pas qu'il soit réductible à des éléments rationnels.<br /> <br /> Bien à vous.
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R
Il me semble avoir compris chez Nietzsche , peut-être à tors et méconnaissance, que bien sûr nous ne sommes vierges de rien et ne naissons pas sans héritage plus ou moins lourd. Nous sommes modelés et pétris par notre culture, notre contexte familiale, notre imaginaire, nos désirs plus ou moins avoués et assumés. Toutefois et malgré ou grâce à cela il nous reste l'esprit critique, le libre arbitre (et en dépit de tous les biais possibles il reste un espace et une marge de liberté de mon point de vue) et la capacité plus ou moins innée mais, qui se muscle et s'entraine par une condition de pleine conscience méditative d'auto critique et de créativité artistique, qui permet de prendre la distance ou le chemin de traverse même fugace, parfois douloureux pour l'ego notamment.
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R
Je me suis sans doute mal exprimée, l'idée n'est pas de prétendre ou présumer être capable de supporter la vacuité ou l'inanité de notre condition primitive et frustre sans filtre. Je suis en accord avec la première partie du message mais je réfute le principe de subir, chacun a, à tout instant, le choix "délibéré et volontariste" de trouver sans hypocrisie, sans complaisance "pratique" et en pleine conscience une attitude personnelle, plus ou moins intuitive et cohérente par rapport à ce réel.
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R
Je ne comprends pas cette idée d'Univers qui experimente....
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A
quand on se sent seul c'est parce que l'Univers a voulu expérimenter la solitude, se sentir séparé du Tout. De même il a voulu expérimenter le corps, je suis, le souffle, la souffrance, le gout, la vue, le toucher. Si nous nous reveillons chaque matin c'est pour comprendre ca...
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R
....avons nous besoin de consolation ? ....de quoi ?...
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R
Pour mourir au bon moment, il faut vivre au bon moment (et chaque instant vécu comme s'il devait se rejouer éternellement je crois). F. Nietzsche<br /> <br /> <br /> <br /> Chaque instant porte en lui le pire et le meilleur.....je crois au meilleur pour le meilleur....
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S
Bonjour,<br /> <br /> <br /> <br /> J'ai l'impression aussi parfois que l'avenir est derrière moi et me souffle à l'oreille le début d'une chanson "Meurs, vieux lâche, il est trop tard". Le début seulement parce que je ne suis pas si vieux. En fait, il y a toujours quelque chose qui me tient, qui me retient et dont je n'ai pas envie d'entendre qu'il s'agit d'illusions. Ce quelque chose, jeune, je le voulais flamboyant, irradiant, je voulais me consumer auprès de lui. Je n'en ai vécu que des instants mais je suis heureux de les avoir vécu. Leurs souvenirs accompagne mes rêves. Je le cherche, le jour, mais le soir, j'ai parfois plus le sentiment de dessiner une croix dans une cellule. Pas tous les soirs et même ces soirs là, le désir est encore là. Ce quelque chose, je l'ai croisé en montagne, face à l'océan, dans un "val qui mousse", dans le regard de mes enfants, dans une discussion, un regard, une caresse..... Le reste ne m'a jamais intéressé. le reste n'est que décor d'un film de série b dans lequel je joue un second rôle. Le réconfort, je le trouve dans l'amitié, difficilement. Je le trouve aussi en vous lisant, en regardant vos photos.<br /> <br /> Avec mes amitiés
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D
Merci pour le partage. J'aime ces soliloques.<br /> <br /> <br /> <br /> Et que dire de la photo de la montagne... Onirique, sublime. Vos photos sont époustouflantes.
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