Archipel néo-cubain
Me voilà prêt à m'envoler à nouveau pour l'archipel Néo-Cubain, destination que j'affectionne tout particulièrement pour son exotisme aux fragrances sud-américaines, son soleil tropical, sa douceur ronde et suave et ses autochtones débonnaires. Et puis, je suis sensible aux terres volcaniques, aux abîmes insondables comme celui de la Taburiente, aux falaises dominant l'Atlantique, dissimulant en contrebas quelques plages secrètes de sable noir et d'écume blanche.
C'est une nouvelle Terre que je m'en vais découvrir avec ma Sibylle, une terre grouillante et peuplée sur son littoral mais désertique et perdue dans les hauteurs coiffées de brumes et de laurisylve. Entre deux siestes sous des pins endémiques, je compte bien m'abandonner à la pulsation flegmatique du jour, ralentie sous ces latitudes, et au silence moite des alizés en dégustant le meilleur des "puros" néo-cubains accompagné de son "chupito" de Romiel.
Sibylle emporte dans ses valises son couple de philosophes fétiches, Thomas et Hannah. Le premier doit prendre l'air et surmonter sa légendaire angoisse de l'invasion. Rien de tel qu'une thérapie de choc ! L'emmener de force chez l'ennemi historique et accoster héroïquement sur l'archipel, faisant ainsi un joli pied-de-nez à l'invincible armada dont on sait qu'elle détermina dès le berceau l'orientation sécuritaire du penseur politique. Peut-être pourrons-nous alors déceler dans son Léviathan les traces d'un républicanisme tropical. Quant à la seconde, il est temps qu'elle s'abandonne aux blandices insulaires pour se libérer de la terrible pesanteur de son siècle. Rien de tel donc qu'un vagabondage paresseux dans les cultures de bananes pour oublier les crises multiples d'une culture inapte à se penser elle-même !
Pour ma part, c'est avec Giorgio Colli dans le sac-à-dos que je m'envole. La naissance de la philosophie ne serait-elle pas le signe d'un déclin du sentiment insulaire primitif, déclin de la sagesse de l'originaire lorsque les dieux finirent par se taire sous l'emprise de la dialectique et du logos platoniciens triomphants ? Colli peut sans problème se perdre dans les vapeurs indociles de l'antique caldeira. Il trouvera sans conteste les éléments éparpillés de la sandale d'Empédocle et sous le soleil apollinien, les ardeurs exubérantes de Dionysos oeuvrant de concert à l'harmonie néo-cubaine.