Libre dans la réalité
L'indifférence de la nature est une évidence pour le marcheur dérouté, pour celui qui parvient à se délester de ses lunettes mentales, de ses sécurités archaïques et qui voit les choses dans leur nudité.
La beauté n'est pas cette apparente harmonie des formes mais la dynamique sensible des forces qui rayonnent partout, dans toutes les directions à la fois.
Il est une autre vérité qui pourrait apparaître au marcheur : c'est qu'au moment où il se croirait perdu en pleine nature, il sentirait soudain une porte s'entrouvrir dans son esprit comme si le vent des cimes balayait des brumes accumulées dans son regard pétrifié depuis toujours.
Sans cap, trouvera-t-il la vitalité inassignable qui le mènera à tous les choix possibles ? Se serait-il vraiment égaré ? La disparition de tous ses repères ne vaut que dans le monde constitué de ceux qui furent il y a peu ses congénères. Ici, elle ne peut signifier qu'une chose : qu'il est au centre de sa propre vie.
Il se pourrait même que le ciel s'éteigne brutalement et que le marcheur saisisse en fulgurance sa situation dans l'univers illimité, devant découvrir sa propre force sur le terrain qu'il s'est choisi.
La réalité, à travers ces lacs et ces pics dévastés par le temps, souffle désormais à ses mains ouvertes qu'il est le plus libre des hommes.