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DEMOCRITE, atomiste dérouté
27 février 2024

Les trois narcissismes

Point faible ou point fort : Le narcissisme | Blog de Philippe Garin

Je l'ai déjà noté ; je suis devenu depuis quelques mois un as de la détection des pathologies narcissiques. Je les renifle, je subodore, je les sens, je les entends et mon système d'alerte fonctionne désormais de manière efficace. Il me permet de mettre très rapidement hors d'état de nuire (pour moi) cette psychologie extrêmement répandue. C'est même à croire qu'il y a là une épidémie tant les profils féminins que je croise sont marqués par cette lourde tendance. Quand on a passé plus d'une décennie non loin du faciès hideux le plus sournois, le plus irrepérable qui soit, celui, comme disent les psychiatres américains, du narcissisme caché vulnérable et qu'on a travaillé très intensément pour mettre à jour la nature et la structure de cette perversion, on devient expert en la matière.

Pour ceux qui voudraient comprendre en quoi cette folie masquée consiste, je recommande vivement la vidéo suivante qui fournit une excellente description du narcissisme vulnérable. La quasi-totalité des signes décrits ici par la thérapeute, je les ai vus à l'oeuvre de très, de trop près.

https://youtu.be/i8k-qs-oDNw?feature=shared

La question du narcissisme est un enjeu majeur dans l'évolution psychique des sujets. Je distinguerai trois niveaux. Le premier par lequel nous passons tous est ce que Freud appelle le narcissisme primaire dans lequel l'enfant investit toute sa libido sur lui-même. Je fais, pour ma part le pari que cette libido se fixe par indistinction sur le corps de l'enfant comme de sa mère avec lequel il fusionne. Cet investissement syncrétique ne distingue pas le moi du non-moi. C'est dans cette période antérieure à la constitution d'un moi spéculaire que la problématique de la séparation, de la faille serait décisive surtout si l'enfant n'est pas investi par la libido de sa mère. Nous savons, et Lacan l'a bien montré, que l'accès à la première image de soi dans le stade du miroir se constitue sous le regard et la parole de sa génitrice. La défaillance de l'image de soi pourrait provenir d'un franchissement non réalisé de la séparation entre soi et soi-même condamnant la libido à faire retour sur le corps sans se déployer dans l'image de soi, demeurée en friche. Dans ce rapport problématique de l'enfant à sa mère se jouerait l'enjeu jamais véritablement effectué de la séparation c'est-à-dire du morcellement de la libido incapable de se séparer du moi archaïque. En ce sens, la narcissisme secondaire serait vacant et n'autoriserait pas de déploiement ultérieur sur des objets extérieurs au moi.

La pathologie narcissique pourrait alors se comprendre comme une fixation au stade premier de la libido retournée vers soi et incapable de passer à la dimension objectale. Dans la plupart des documentaires traitant des pathologies narcissiques, le rapport du narcissique à l'autre est décrit comme un pur rapport d'objet. Autrui ne serait qu'un outil. C'est vrai mais uniquement du point de vue de la victime dont la subjectivité n'est pas reconnue comme altérité. En fait, je suis tenté de dire que l'autre n'est pas même un objet pour le ou la narcissique. Il est investi sur un mode fusionnel, comme une partie du moi primitif dont il ne se détache pas vraiment, à l'image de la fusion anhistorique du petit envers sa mère. A cet égard, l'autre n'est ni un autre, ni un objet mais un prolongement de soi sur lequel le ou la narcissique a tous les droits. L'autre doit obéir comme un de ses membres corporels soumis à sa volonté. Il lui impose rapidement la "tyrannie des liens" dont j'ai déjà parlé plus avant. Pour le ou la narcissique, tout est affaire de pouvoir, de contrôle et de maîtrise car l'accès à la dimension objectale est demeurée interdite.

Cette dimension marque un progrès incontestable du développement psychique. Investir autre chose que soi pour en jouir nécessite cette séparation entre soi et soi-même, donc l'apparition de médiations par lesquelles l'enfant comprend qu'il peut éprouver davantage de plaisir en différant la satisfaction immédiate. La sphère objectale ouvre peu à peu à l'altérité et fait reculer le narcissisme primaire, du moins chez des personnalités qui n'ont pas eu à subir des dommages importants dans la toute petite enfance. Car chez les narcissiques, la sphère objectale n'est que très peu voire pas du tout accessible. Cela donne des conversations d'adulte qui restent attachées à cette empreinte fusionnelle dans laquelle l'autre n'existe que pour permettre au moi de se sentir complet, sans faille, c'est-à-dire sans le moindre trou. Car la personnalité narcissique abhorre l'idée même d'être trouée, d'être traversée par une fêlure qui la sépare d'elle-même comme dans l'expérience du miroir. L'autre ne doit pas faire irruption comme autre. Son discours est instantanément absorbé et repris pour le fondre et le ramener à du connu. En d'autres termes, il y a un déni de réalité doublé d'une tendance massive à l'intellectualisation. C'est pourquoi de nombreux narcissiques investissent les études pour colmater leur propre faille en les réussissant brillamment. Tout le savoir accumulé fonctionne comme bouche-trous et les autres font peser par leur étrangeté une menace sur le moi du narcissique, menace qu'il doit liquider en les considérant comme des compléments narcissiques. Outre le désir de tout contrôler, l'autre n'a donc rien d'énigmatique car toute énigme est barrée par le syncrétisme de la libido narcissique primaire.

Il n'y a rien à espérer d'une structure comme celle-là, aucune rencontre réelle, aucun désir en partage, aucun amour possible tant la structure, vide par son impossibilité d'investir la réalité extérieure, tente de tout colmater en se centrant sur soi-même. On peut mesurer l'extrême solitude de ces organisations mentales condamnées à ne rencontrer personne véritablement sauf éventuellement une proie qu'elles tenteront d'exploiter narcissiquement pour se donner la consistance qui leur manque, ce qui les condamne à l'échec relationnel réitéré.

Reste le troisième niveau qui confronterait le psychisme au réel non pour en tirer une satisfaction narcissique, un retour sur investissement mais plutôt une jubilation liée au caractère tragique de l'épreuve de réalité. Cette expérience de joie tragique est purement affirmative. De la rencontre avec le Réel naît, dans une perspective quasi-métaphysique une forme d'hilarité et d'humour qui décrispe entièrement mais provisoirement le rapport à sa propre image comme le plaisir qu'on peut prendre à découvrir notre imposture-d'être-au-monde. Ici, l'expérience du trou est à son comble. Le sujet se découvre aussi ouvert et perméable que les autres configurations de la nature. Mais ce registre n'est accessible qu'à des conditions de lâcher-prise qui impliquent la plupart du temps une totale désintellectualisation, une désidéalisation, un appauvrissement du moi délesté de sa propre image au profit d'une percée subjective vers le réel insignifiant. Il faut lire l'excellent texte de ce cher Clément Rosset - La Force majeure, pour comprendre ce troisième niveau, aussi difficile que rare. Ce plan qui n'est plus psychologique, quoique des dispositions psychologiques soient nécessaires, ouvre le sujet à un monde "sans image de soi", un monde dépeuplé donc hilarant dès lors qu'on a cessé comme dit Spinoza,  de faire délirer la nature avec soi

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Commentaires
Z
La maladie de l'homme moderne c'est l'excès de raison, de conscient. Combien de décennies de philosophie pour arriver à rien ? et pour la science ( ou la politique ou l'écologie ) je n'en parle pas on a vu le résultat avec la pandémie, un vrai fiasco mais c'était prévisible, science et philosophie sont des disciplines du conscient. Voila pourquoi Lao Tseu a quitté ses fonctions, il avait compris que le problème était le conscient et que le Tao, l'inconscient était la vérité.
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D
Oui, ça travaille ensemble, de gré ou de force. Chez la plupart, c'est de force mais de le savoir, la pression est un peu moindre. Merci pour cet échange.
Z
Selon les informations que je dispose de l'inconscient par l'inconscient lui-même ( l'inconscient ça parle comme vous savez ) l'Inconscient-Subconscient-Conscient serait plutôt une fratrie et donc le Moi le dernier rejeton de la famille. Alors, d'une certaine manière, nous serions en fait plutôt essentiellement du conscient et donc, comme vous dites, essentiellement inconscient mais parce que différent de l'inconscient comme peuvent l'être des frères avec leur propre caractère. Mais bon, je vois ce que vous voulez dire et je suis d'accord aussi même si l'opposition que vous rejetez ne me semble pas un problème, il y a bien une forme d'opposition entre le ciel et la terre ou l'eau et le feu même si ça travaille ensemble.
D
Oui, je suis bien d'accord. Vous mettez l'accent sur le refoulé humain, ce rapport essentiel de l'homme à lui-même qu'il a barré, qu'il a éliminé sous le poids du conscient. Mais je vous invite une fois de plus à interroger ce que vous appelez le "conscient". Car à mieux y regarder, il n'est qu'une excroissance de l'inconscient. Cela revient à dire qu'en vérité il s'agit d'interroger les forces qui sont souterrainement à l'oeuvre. Je crois que d'identifier l'actif et le réactif aide à surmonter l'opposition que je crois stérile à un certain niveau entre conscient et inconscient car, en fait, nous sommes essentiellement inconscients. La rationalité est elle aussi réactive par plein d'aspects même si elle ne l'est pas toujours car sa réaction peut être au service de la puissance, inféodée à une force active utile à la qualité du "vivre".
Z
Je suis surtout sévère avec le conscient dont la philosophie est l'une des disciplines et là ça brûle et tout s'écroule parce que le conscient est le pilier central de l'humanité actuelle mais si nous voulons nous libérer il nous faut d'abord nous libérer du conscient. Je ne sais pas chez les autres, mais chez moi l'inconscient est à la fois un autre monde, le monde des rêves, l'équivalent du monde des esprits chez les Amérindiens mais aussi la plus ancienne instance psychique, le Ça, qui gouverne cet autre monde et que les Amérindiens appelaient aussi le Grand Esprit ou Grand Mystère sans parler du fait que l'on retrouve aussi l'inconscient dans le langage conscient et que, par associations libres, la première et plus importante technique de Freud, on peut l'atomiser pour l'ouvrir comme une noix et en tirer plus de jus ou de fruit que de coutume comme dans le mot gouverne-ment par exemple et parce finalement la chose est complexe pour nos esprits rationnels, il peut y avoir certains malentendus entre nous et sur le terme.
D
Oui, je vous rejoins ; l'excès de raison, de conscient. Tout cela caractérise le "réactif". Vous êtes trop sévère avec "la philosophie". Il faut vaticiner du côté de Schopenhauer, de Nietzsche et même dans une certaine mesure chez Spinoza pour considérer le négatif qu'on porte et qui se trouve du côté de l'inconscient. La vérité de l'inconscient, comme vous dites, est, pour l'essentiel, inaudible et bien trop violente pour être socialement acceptable. Il ne s'agit pas de faire de l'inconscient une valeur, mais plutôt la ressource refoulée de notre singularité. Je me permets de rappeler qu'idiot, "idiotès" en grec, signifie "particulier", ce qu'il y a de singulier en nous.
D
C'est dommage, vous ne comprenez pas. Votre question est mal posée, c'est pourquoi vous passez à côté des enjeux. Les choses ne sont pas aussi binaires. Quand vous saisirez que le conscient est une excroissance de l'inconscient contrainte par des forces extérieures, alors vous cesserez de les opposer naïvement. Ce n'est pas plus le conscient que l'inconscient qui est en dépression mais un processus où se joue un affaiblissement de la force dans le rapport à la réalité sous l'effet d'un effondrement fantasmatique. Ce fantasme est inconscient mais ses conséquences peuvent être conscientes. Bref, il faut franchir un col supplémentaire pour comprendre la source de nos divisions. Bonne lecture.
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Z
Si le conscient n'était pas l'idiot, il aurait réglé le problème de dépression ou autre depuis bien longtemps. Qui est le dépressif, l'inconscient ou le conscient ? nous avons mis le conscient sur un piédestale d'ou tous nos malheurs. Il croit savoir mais ne sait rien.
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D
Le conscient n'est pas séparé de l'inconscient. Mieux, il en est l'expression retournée. Si vous avez du flair, vous devez le sentir. C'est l'inconscient qui est idiot car c'est lui qui nous singularise. Le conscient est, au contraire, centralement grégaire mais son grégarisme cache, dissimule l'autre versant. Quant à la servitude volontaire, ça ne va pas 5 minutes. Elle parle des complexes de forces qui s'imposent et organisent la hiérarchie intérieure. Précisément, cette servitude parle de l'inconscient des hommes et de leur domesticité c'est-à-dire de la façon dont leur force propre a été colonisée par l'intériorisation d'un pouvoir qui divise leur psychisme en les tenant éloignés de leur puissance, de leur ressource propre. Votre vision de l'inconscient que vous semblez avoir me paraît caricaturale, de fait celle du conscient également. Les opposer me semble une erreur.
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Z
Ok mais le vrai problème c'est le conscient. Il faut d'abord comprendre que le conscient est idiot, il fabrique des bonnes femmes ou des bons hommes et c'est quoi ? c'est comme des bonnes, des femmes de ménage, des servantes, l'inconscient via le mot bonne-femme nous dit que c'est de la servitude volontaire mais la servitude volontaire ( Ça ) va bien 5 min, et Ça ne tient pas la route, comme le communisme Ça n'a pas tenu parce que tout ce qu'invente le conscient et bien Ça ne marche pas. Le Ça est amoral, apolitique, c'est un taoiste ou un anarchiste comme Tyler Durden qui veut mettre un coup de pied aux fesses du Moi, de Jack pour lui dire : réveilles toi mec tu es soumis - au libéralisme, au capitalisme, au wokisme, à l'Etat, au nationalisme, à tous les isme - , bref domestiqué, une putain de bonne femme.
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D
Vous avez évidemment raison. Mais mes analyses ne portent pas sur les femmes mais sur les "bonnes-femmes" au narcissisme revanchard. Je vous invite à lire mes articles sur la nature de "la bonne-femme" dont je précise tout de suite, avant de me faire lyncher par les ressentimenteuses de tout poil, qu'il ne s'agit nullement d'une question de genre ou de sexe mais de colonisation virale. Beaucoup d'hommes sont eux-aussi des "bonnes-femmes" dans ce sens-là. Et bien sûr, tous l'ignorent.
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Z
Mais laissez donc tranquilles les femmes, elles ont assez de problèmes comme ça !
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