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DEMOCRITE, atomiste dérouté
31 mars 2010

Philosophie : un déshabillage de la pensée

Si l'homme cherche le sens c'est que celui-ci le précède, le norme de tous côtés, le configure par-delà sa propre volonté et surtout antérieurement à elle. Nous sommes tous immergés dans la surcharge de sens. C'est pourquoi nous le cherchons. Le sens est donné par les autres, par la force invisible du groupe démultipliée en influences innombrables et cacophoniques. Le sens est l'expression pensée, formulée des désirs qui nous investissent et que nous projetons sur le monde, désirs stimulés par l'époque dans une hétéronomie aliénante. "Le besoin de sens est d'essence religieuse", remarque Freud. Et ce besoin est le fruit de nos peurs, de nos instincts grégaires.
Quelle place pour la philosophie ? Non pas ajouter du sens à cette pesanteur infinie mais en revenir à l'originaire, non pas la culture et ses funestes impasses identitaires ou économiques mais le réel comme source primordiale de la dépossession. La philosophie est d'abord un dépouillement (Diogène), un dénuement, un appauvrissement provisoire, un retour à la source insignifiante du réel. Bref, philosopher, c'est accepter un déshabillage de la pensée. De celui-ci découle l'exigence philosophique première : vivre en vérité et puiser ça et là, le maximum de joie.

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Commentaires
G
Il me semble urgent de distinguer la chose de l'objet. L'objet c'est l'inconnu et l'inconnaissable : "pragma", un processus relationnel et interdépendant. L'objet est une construction mentale, et revenir "aux choses mêmes" c'est en fait revenir aux objets, toujours déjà structurés par la perception. Comment pourrions-nous volontairement revenir en deçà de l'objet, pour appréhender le mouvement universel? <br /> De même il faut distinguer reél et réalité, cette dernière étant un mélange assez confus de réel, d'imaginiare et de symbolique : perception, imagination, mémoire, langage, signes, symboles, concepts : représentation, avec un coefficient peu décidable de réel.<br /> Il faut en sommes des expériences peu ordinaires pour retrouver un contact sensoriel et émotionnel avec le réel, dans la surprise, le kairos, le trauma, ou les états-limites.
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D
Je crois qu'il est essentiel de distinguer l'objet qui vaut dans la démarche intentionnelle du phénoménologue et la chose qui apparaît et qui résiste à l'entreprise de la signification. La relation sujet-objet est restrictive car elle court le risque de la réification d'une part et de l'ontologisation du réel. "En revenir aux choses mêmes" c'est-à-dire non pas à une nature révée et unifiée mais à l'éclatement de toute catégorie par l'intuition du hasard absolu dont j'ai déjà fait mention sur clinamen. La nature est "la somme insommable des sommes" donc le non identifiable, le non réifiable, l'impermanent, tout comme le "sujet" qui se croit "sujet", agent, et qui agit selon des déterminations organiques silencieuses et aphasiques. Voir sur ce point les thèses remarquables de Clément Rosset (Logique du pire)
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M
De fait, cher Démocrite, ta remarque est juste concernant l’insuffisance « pré-hensive » et constitutive de l’étant intra-mondain par l’ego transcendantal husserlien. Si celle-ci nous sauve bel et bien de l’affreuse dichotomie kantienne, elle reste acculée à un idéalisme immanent.<br /> Toutefois, qu’il me soit permis d’envisager avec la phénoménologie de la perception de Merleau Ponty, un axe de vision original et originaire d’une archéologie de la nature comme source de son propre commencement. Ainsi, nous pourrions pratiquer une sorte de réduction phénoménologique inversée. Husserl, nous le savons, bannissait « l’attitude naturelle » (premier niveau de réduction) pour parvenir à une « attitude réflexive »constitutive du sens des choses, et atteindre dans un second mouvement, par la réduction eidétique l’émergence d’un ego pur transcendantal. <br /> <br /> A cela, ton objection est tout à fait légitime et remarquable, lorsque tu poses non pas l’antériorité mais la spontanéité de l’étant comme cette forme de présence d’un « toujours déjà là »en dehors de toute perception. De fait, l’objet de la nature ne serait pas constitué, mais institué par le seul fait de son existence, de son propre surgissement. La preuve en est donnée avec notre incapacité d’appréhender dans sa globalité et d’un seul tenant l’ob-jet qui ainsi nous fait face. Nous obtenons sa compréhension par cette forme d’abstraction par idéation, artifice de notre seule pensée qui questionne la nature..<br /> Libre à nous de nous interroger sur l’évènement de ce « il y a » de l’étant, de cette existence et in-sistance ou manière singulière d’être-au-monde qui fait sens, sans que pour autant celui-ci ait été posé par la pensée. Le danger est grand de retomber dans un naturalisme béat, et ce serait là se fourvoyer dans les facilités d’une conceptualisation binaire qui manquerait derechef son objet et trahirait par là même notre auteur. Il nous appartient donc de cerner et d’envisager un mode de donation de l’objet plus originaire, pris dans une toute autre réalité spatio-temporelle de la nature : Une et indivise qui engloberait ce surgissement. Ce jaillissement irréductible du « ceci même», du « il y a « opèrerait d’emblée un déplacement de l’ontique vers l’ontologique comme un véritable arraisonnement de l’être, laissant ainsi suggéré non pas une limite de la démarche phénoménologique mais une atteinte particulière de cette dernière.
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D
Cher David, je suis heureux de te retrouver sur clinamen et ton commentaire est réjouissant. Je te rejoins volontiers dans ce que tu dis : "Le renouveau de l’interaction, de la Vie, passe par une déchéance du sens au profit des sens, à travers une expérience immédiate du Réel."<br /> Cette déchéance, comme tu le soulignes, n'est pas un renoncement, une "misère" pour parler comme Pascal et un pessimisme désabusé mais le retour aux forces vives de la nature que les conventions recouvrent de leur voile. "La diminution du sage" dont parle Guy consiste à se tenir au plus près de l'originaire, au bord de la faille du réel que rien ne peut réduire sinon nos illusoires représentations. Que reste-t-il sinon la jubilation d'une perception trouée par la faille, en prise avec les forces contrariées de la nature insaisissable ? Ce retour est un régime perceptif accentué par la conscience d'être immergé dans un univers insignifiant ou plutôt dans une infinité d'univers et de mondes qui demeurent inaccessibles.<br /> Tout le problème est de savoir s'il y a quelque chose au-delà ou en-deça de la représentation. Et c'est là que l'approche phénoménologique proposée par Marie ne me satisfait pas (désolé très chère !) car pour la phénoménologie, "en revenir aux choses mêmes" consiste, si j'ai bien compris Husserl, à viser un objet, à le porter dans la conscience dans le processus intentionnel considéré comme acte de sens. Le fait de poser l'acte signifiant comme initial est de l'ordre du recouvrement ou de la négation du réel, de l'affirmation d'un sens qui m'apparaît spontanément douteux. Certes, la distinction kantienne noumène-phénomène disparaît mais c'est au profit ou aux dépens d'une relation de l'objet-pensé à la conscience, considérée comme projet tendu vers cette "chose intérieure" qui m'est donnée du dedans dans une visée que l'esprit accomplit. Bref, exit le réel dans une forme particulière d'idéalisme dont le référent ultime est la conscience elle-même considérée dans sa dimension réflexive par des objets qui la débordent tout en la constituant. Cette réduction du réel à l'acte intentionnel comme acte de sens rend le réel signifiant et par là, suspect pour le penseur tragique que je suis !<br /> Le réel est antérieurement à tout acte signifiant, avant tout acte de pensée, avant même toute conscience. Il est l'épreuve du silence, aphasique et inaudible : le réel ne dite rien et ne parle pas. Il est non pas ce qui se dissimule derrière les phénomènes mais ce qui englobe tout (la somme des sommes pour parler comme Lucrèce)et qui ne peut être saisi dans une représentation adéquate: immanence pure, apparence pure (Pyrrhon) sans référence à un ordre caché : configurations multiples et insaisissables dans l'impermanence universelle et le tourbillon atomique (la Dinè chez Démocrite): le réel est ce qu'"il y a" et qui ne peut être réifié dans et par le langage.<br /> Bref, la phénoménologie m'apparaît comme une tentative savante d'effacement du tragique par l'intentionnalité qui élabore un rapport significatif au monde. et c'est bien ce rapport qui ne va pas de soi. Ce n'est pas parce que l'homme veut du sens qu'il y a du sens.<br /> La question du mouvement originaire et inaugural du regard m'interpelle, cette évidence me fait penser à l'intuition bergsonnienne, manière de se fondre dans l'expérience immédiate de la durée. Mais là encore, une telle expérience doit-elle toujours signifier quelque chose ?
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M
L’homme moderne est prisonnier de ce tiraillement, de cet écartèlement entre la recherche d’un sens à sa vie et l’accomplissement immédiat de ses désirs sensoriels. Besoin normé et normatif, fruit avarié d’une société dévorante, voire même dévastatrice de l’humaine nature, d’ores et déjà dénaturée. Que l’insensé prenne garde alors ! En défiant cette forme d’évidence, il risque de s’arracher au doux conditionnement de ces bonnes consciences amies forgées par « Notre Dame sociétale » aux talents, somme toute, remarquables car terriblement insidieux. <br /> Pourquoi ne revenons-nous pas alors « aux choses mêmes », mot d’ordre de la phénoménologie, c’est-à-dire telle qu’elles sont en elles mêmes, avec cette relation directe, originelle, qui m’autorise à voir les êtres ou les choses dans leur réalité la plus stricte et originaire. Ce qui est premier et qui fait SENS, c’est bel et bien cette relation directe (intentionnalité) avec l’objet visé, exit cette scission kantienne entre le phénomène et le noumène. L’intentionnalité prend son enracinement dans ma conscience d’être-au-monde, dans ce lien ténu, irréductible du perçu pré-réflexif et du sens verbal .Merleau Ponty parlait d’un acte antéprédicatif, forgé dans l’EVIDENCE du « déjà là du mouvement originaire et inaugural du regard. Philosopher devient alors une posture du dasein qui communie d’abord, avant toute chose, avec la chair du monde.
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D
Le sens donne une utilité à l’interaction, un but : elle en fait un simple outil “nécessaire” à l’édification de la Raison, la Raison qui elle même sera génitrice de sens, à son tour source d’une instrumentalisation du Réel (que l’on découpe, pour en faire des blocs biens distincts, utilisés pour la construction de ce “mur de la Raison”, que l’on cherche sans cesse à faire plus haut, pour pouvoir s’asseoir dessus, et enfn dire: Je suis Dieu.), et ainsi de suite: la recherche de sens conduit à une atroce boulimie, à une faim sans fin (Le cercle inachevé de Pascal?).<br /> Le sens dénature, nous fait adopter une étrange posture: on finit par se distancier du monde, à force de vouloir l’observer à travers un trou de serrure. Et c’est ce qui est commun aux Hommes qui finit par les éloigner le plus les uns des autres; et maheureusement, “nous sommes tous immergés dans la surcharge de sens”.<br /> Le renouveau de l’interaction, de la Vie, passe par une déchéance du sens au profit des sens, à travers une expérience immédiate du Réel. Et c’est encore mieux lorsque cette expérience peut se partager avec autrui. (s’émerveiller des nuages, de la vigueur avec laquelle ils se meuvent et se transforment, plutôt que de vouloir nécessairement les classifier et expliquer leur formation. D’ailleurs, un exemple simple et prosaïque quant à la distanciation du Réel: le développement de la production musicale assistée par ordinateur, dans un milieu totalement asseptisé, au détriment de l’usage d’instruments réels: exit le plaisir du processus créatif et du contact, l’émerveillement des sens; on a technicisé (barbarisme, mais peu importe) la musique, on l’a littéralement décorporalisé.)
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G
Lao-Tseu déclare, qu'à l'inverse de l'homme du commun, "le sage diminue tous les jours". Cette diminution est l'accès à l'originaire, en quoi se révèle l'éternelle vérité (Alètheia) de la vacuité impensable et jubilatoire.<br /> A-lètheia : le non voilé, le dénuement, l'abîme - pour pour parler comme Lao-Tseu : "l'huis de la femmelle obscure".<br /> Voilà des occurences qui devraient faire réfléchir.
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