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DEMOCRITE, atomiste dérouté
17 juin 2012

Michel Serres : le visage de" petite poucette"

Merci à Luc d'avoir proposé la lecture de cet article-entretien passionnant de Michel Serres paru sur le site de Libération. Le diagnostic est incontournable, en effet, tant la hauteur de vue du philosophe permet de mettre en perspective ce qui semble bien constituer un nouveau paradigme anthropologique dont la nouvelle génération est porteuse dans ses pratiques et ses modes de penser. Voilà qui interroge la caducité de nos vieilles institutions, comme je l'ai souligné à nombreuses reprises dans le "journal". Cela dit, il faudra interroger l'optimisme de Serres qui traverse, même s'il s'en défend, son analyse. Voilà de quoi engager ici une discussion. Vos commentaires sont les bienvenus.

 

Michel Serres, diplômé de l’Ecole navale et de Normale Sup, a visité le monde avant de l’expliquer à des générations d’étudiants. Historien des sciences et agrégé de philosophie, ancien compagnon de Michel Foucault, avec qui il a créé le Centre universitaire expérimental de Vincennes en 1968, il a suivi René Girard aux Etats-Unis, où il enseigne toujours, à plus de 80 ans. Ce prof baroudeur, académicien pas tout à fait comme les autres, scrute les transformations du monde et des hommes de son œil bleu et bienveillant. Son sujet de prédilection : la jeune génération, qui grandit dans un monde bouleversé, en proie à des changements comparables à ceux de la fin de l’Antiquité. La planète change, ils changent aussi, ont tout à réinventer. « Soyons indulgents avec eux, ce sont des mutants », implore Michel Serres, par ailleurs sévère sur sa génération et la suivante, qui laisseront les sociétés occidentales en friche. Entretien.

Vous annoncez qu’un « nouvel humain » est né. Qui est-il ?

Je le baptise Petite Poucette, pour sa capacité à envoyer des SMS avec son pouce. C’est l’écolier, l’étudiante d’aujourd’hui, qui vivent un tsunami tant le monde change autour d’eux. Nous connaissons actuellement une période d’immense basculement, comparable à la fin de l’Empire romain ou de la Renaissance.

Nos sociétés occidentales ont déjà vécu deux grandes révolutions : le passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé. La troisième est le passage de l’imprimé aux nouvelles technologies, tout aussi majeure. Chacune de ces révolutions s’est accompagnée de mutations politiques et sociales : lors du passage de l’oral à l’écrit s’est inventée la pédagogie, par exemple. Ce sont des périodes de crise aussi, comme celle que nous vivons aujourd’hui. La finance, la politique, l’école, l’Eglise… Citez-moi un domaine qui ne soit pas en crise ! Il n’y en a pas. Et tout repose sur la tête de Petite Poucette, car les institutions, complètement dépassées, ne suivent plus. Elle doit s’adapter à toute allure, beaucoup plus vite que ses parents et ses grands-parents. C’est une métamorphose !

Cette mutation, quand a-t-elle commencé ?

Pour moi, le grand tournant se situe dans les années 1965-1975, avec la coupure paysanne, quand la nature, notre mère, est devenue notre fille. En 1900, 70% de la population française travaillait la terre, ils ne sont plus que 1% aujourd’hui. L’espace vital a changé, et avec lui « l’être au monde », que les philosophes allemands comme Heidegger pensaient immuable. La campagne, lieu de dur travail, est devenue un lieu de vacances. Petite Poucette ne connaît que la nature arcadienne, c’est pour elle un terrain de loisirs et de tourisme dont elle doit se préoccuper. L’avenir de la planète, de l’environnement, du réchauffement climatique… tout est bousculé, menacé.

Prenons l’exemple du langage, toujours révélateur de la culture : il n’y a pas si longtemps, un candidat au concours de l’Ecole normale était interrogé sur un texte du XIXe siècle qui parlait de moissons et de labourage. Le malheureux ignorait tout le vocabulaire ! Nous ne pouvions pas le sanctionner, c’était un Petit Poucet qui ne connaissait que la ville. Mais ce n’est pas pour ça qu’il était moins bon que ceux des générations précédentes. Nous avons dû nous questionner sur ce qu’étaient le savoir et la transmission.

C’est la grande question, pour les parents et les enseignants : que transmettre entre générations ?

Déjà, Petit Poucet et Petite Poucette ne parlent plus ma langue. La leur est plus riche, je le constate à l’Académie française où, depuis Richelieu, on publie à peu près tous les quarante ans le dictionnaire de la langue française. Au siècle précédent, la différence entre deux éditions s’établissait à 4 000 ou 5 000 mots. Entre la plus récente et la prochaine, elle sera d’environ 30 000 mots. A ce rythme, nos successeurs seront très vite aussi loin de nous que nous le sommes du vieux français !

Cela vaut pour tous les domaines. A la génération précédente, un professeur de sciences à la Sorbonne transmettait presque 70% de ce qu’il avait appris sur les mêmes bancs vingt ou trente ans plus tôt. Elèves et enseignants vivaient dans le même monde. Aujourd’hui, 80% de ce qu’a appris ce professeur est obsolète. Et même pour les 20% qui restent, le professeur n’est plus indispensable, car on peut tout savoir sans sortir de chez soi ! Pour ma part, je trouve cela miraculeux. Quand j’ai un vers latin dans la tête, je tape quelques mots et tout arrive : le poème, l’Enéide, le livre IV… Imaginez le temps qu’il faudrait pour retrouver tout cela dans les livres ! Je ne mets plus les pieds en bibliothèque. L’université vit une crise terrible, car le savoir, accessible partout et immédiatement, n’a plus le même statut. Et donc les relations entre élèves et enseignants ont changé. Mais personnellement, cela ne m’inquiète pas. Car j’ai compris avec le temps, en quarante ans d’enseignement, qu’on ne transmet pas quelque chose, mais soi. C’est le seul conseil que je suis en mesure de donner à mes successeurs et même aux parents : soyez vous-mêmes ! Mais ce n’est pas facile d’être soi-même.

Vous dites que les institutions sont désuètes ?

Souvenez-vous de Domenech qui a échoué lamentablement à entraîner l’équipe de France pour le Mondial de foot. Il ne faut pas lui en vouloir. Il n’y a plus un prof, plus un chef de parti, plus un pape qui sache faire une équipe ! Domenech est en avance sur son temps ! Il faudrait de profondes réformes dans toutes les institutions, mais le problème, c’est que ceux qui les diligentent traînent encore dans la transition, formés par des modèles depuis longtemps évanouis.

Un exemple : on a construit la Grande Bibliothèque au moment où l’on inventait Internet ! Ces grandes tours sur la Seine me font penser à l’observatoire qu’avaient fait construire les maharajahs à côté de Delhi, alors que Galilée, exactement à la même époque, mettait au point la lunette astronomique. Aujourd’hui, il n’y a que des singes dans l’observatoire indien. Un jour, il n’y aura plus que des singes à la Grande Bibliothèque. Quant à la politique, c’est un grand chantier : il n’y a plus de partis, sinon des machines à faire élire des présidents, et même plus d’idéaux. Au XIXe siècle, on a inventé 1 000 systèmes politiques, des marxistes aux utopistes. Et puis plus rien, c’est bizarre non ? Il est vrai que ces systèmes ont engendré 150 millions de morts, entre le communisme, la Shoah et la bombe atomique, chose que Petite Poucette ne connaîtra pas, et tant mieux pour elle. Je pense profondément que le monde d’aujourd’hui, pour nous, Occidentaux, est meilleur. Mais la politique, on le voit, n’offre plus aucune réponse, elle est fermée pour cause d’inventaire. Ceci dit, moi non plus, je n’ai pas de réponses. Si je les avais, je serais un grand philosophe.

La seule façon d’aborder les conséquences de tous ces changements, c’est de suspendre son jugement. Les idéalistes voient un progrès, les grognons, une catastrophe. Pour moi, ce n’est ni bien ni mal, ni un progrès ni une catastrophe, c’est la réalité et il faut faire avec. Mais nous, adultes, sommes responsables de l’être nouveau dont je parle, et si je devais le faire, le portrait que je tracerais des adultes ne serait pas flatteur. Petite Poucette, il faut lui accorder beaucoup de bienveillance, car elle entre dans l’ère de l’individu, seul au monde. Pour moi, la solitude est la photographie du monde moderne, pourtant surpeuplé.

Les appartenances culturelles n’ont-elles pas pris de l’importance ?

Pendant des siècles, nous avons vécu d’appartenances, et c’est ce qui a provoqué bien des catastrophes. Nous étions gascons ou picards, catholiques ou juifs, riches ou pauvres, hommes ou femmes. Nous appartenions à une paroisse, une patrie, un sexe… En France, tous ces collectifs ont explosé, même si on voit apparaître des appartenances de quartier, des communautés autour du sport. Mais cela ne constitue pas les gens. Je suis fan de rugby et j’adore mon club d’Agen, mais cela reste du folklore, l’occasion de boire de bons coups avec de vrais amis… Quant aux intégrismes, religieux ou nationalistes, je les apparente aux dinosaures. Ma Petite Poucette a des amis musulmans, sud-américains, chinois, elle les fréquente en classe et sur Facebook, chez elle, partout dans le vaste monde. Pendant combien de temps lui fera-t-on encore chanter « qu’un sang impur abreuve nos sillons » ?

Que répondez-vous à ceux qui s’inquiètent de voir évoluer les jeunes dans l’univers virtuel des nouvelles technologies ?

Sur ce plan, Petite Poucette n’a rien à inventer, le virtuel est vieux comme le monde ! Ulysse et Don Quichotte étaient virtuels. Madame Bovary faisait l’amour virtuellement, et beaucoup mieux peut-être que la majorité de ses contemporains. Les nouvelles technologies ont accéléré le virtuel mais ne l’ont en aucun cas créé. La vraie nouveauté, c’est l’accès universel aux personnes avec Facebook, aux lieux avec le GPS et Google Earth, aux savoirs avec Wikipédia. Rendez-vous compte que la planète, l’humanité, la culture sont à la portée de chacun, quel progrès immense ! Nous habitons un nouvel espace… La Nouvelle-Zélande est ici, dans mon iPhone ! J’en suis encore tout ébloui !

Ce que l’on sait avec certitude, c’est que les nouvelles technologies n’activent pas les mêmes régions du cerveau que les livres. Il évolue, de la même façon qu’il avait révélé des capacités nouvelles lorsqu’on est passé de l’oral à l’écrit. Que foutaient nos neurones avant l’invention de l’écriture ? Les facultés cognitives et imaginatives ne sont pas stables chez l’homme, et c’est très intéressant. C’est en tout cas ma réponse aux vieux grognons qui accusent Petite Poucette de ne plus avoir de mémoire, ni d’esprit de synthèse. Ils jugent avec les facultés cognitives qui sont les leurs, sans admettre que le cerveau évolue physiquement.

L’espace, le travail, le savoir, la culture ont changé. Et le corps ?

Petite Poucette n’aura pas faim, pas soif, pas froid, sans doute jamais mal, ni même peur de la guerre sous nos latitudes. Et elle vivra cent ans. Comment peut-elle ressembler à ses ancêtres ? Ma génération a été formée pour la souffrance. La morale judéo-chrétienne, qu’on qualifie à tort de doloriste, nous préparait tout simplement à supporter la douleur, qui était inévitable et quotidienne. C’était ainsi depuis Epicure et les Stoïciens.

Savez-vous que Louis XIV, un homme pas ordinaire, a hurlé de douleur tous les jours de sa vie ? Il souffrait d’une fistule anale, qui n’a été opérée qu’au bout de trente ans. Son chirurgien s’est entraîné sur plus de 100 paysans avant… Aujourd’hui, c’est un coup de bistouri et huit jours d’antibiotiques. Je suis le dernier client de mon dentiste qui refuse les anesthésies, il n’en revient pas ! Ne plus souffrir, c’est un changement extraordinaire. Et puis, on est beaucoup plus beau aujourd’hui. Quand j’étais petit, les paysans étaient tous édentés à 50 ans ! Et pourquoi croyez-vous que nos aïeux faisaient l’amour habillés, dans le noir ? La morale, le puritanisme ? Rigolade ! Ils étaient horribles, tout simplement. Les corps couverts de pustules, de cicatrices, de boutons, ça ne pouvait pas faire envie. La fraise, cette collerette que portaient les nobles, servait à cacher les glandes qui éclataient à cause de la petite vérole ! Petite Poucette est jolie, elle peut se mettre toute nue, et son copain aussi. Quand on la prend en photo, elle dit« cheese », alors que ses arrière-grands-mères murmuraient « petite pomme d’api » pour cacher leurs dents gâtées.

Ce sont des anecdotes révélatrices. Car c’était au nom de la pudeur, et donc de la religion et de la morale, qu’on se cachait. Tout cela n’a plus cours. Je crois aussi que le fait d’être « choisi » lorsqu’on naît, à cause de la contraception, de l’avortement, est capital dans ce nouvel état du corps. Nous naissions à l’aveuglette et dans la douleur, eux sont attendus et entourés de mille soins. Cela ne produit pas les mêmes adultes.

L’individu nouveau a une très longue vie devant lui, cela change aussi la façon d’appréhender l’existence…

Une longue vie devant et aussi derrière lui. L’homme le plus cultivé du monde des générations précédentes, l’uomo di cultura, avait 10 000 ans de culture, plus un peu de préhistoire. Petite Poucette a derrière elle 15 milliards d’années, du big bang à l’homo sapiens, le Grand Récit n’est plus le même ! Et on est entrés dans l’ère de l’anthropocène et de l’hominescence, l’homme étant devenu l’acteur majeur du climat, des grands cycles de la nature. Savez-vous que la communauté humaine, aujourd’hui, produit autant de déchets que la Terre émet de sédiments par érosion naturelle. C’est vertigineux, non ? Je suis étonné que les philosophes d’aujourd’hui, surtout préoccupés par l’actualité et la politique, ne s’intéressent pas à ce bilan global. C’est pourtant le grand défi de l’Occident, s’adapter au monde qu’il a créé. Un beau sujet philosophique.

Paru dans Libération le samedi 3 septembre 2011

 

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Commentaires
D
Le problème n'est pas en soi l'extension de l'univers technologique mais le fait de disposer des outils linguistiques permettant d'accéder à la signification des enjeux, des problèmes et des conséquences de cet accroissement (par exemple les types de dépendance qu'il induit).<br /> <br /> Michel Serres ne parle pas des toxicomanies liées au portable, du suicide des jeunes en nette progression, de l'affaiblissement du rapport au système symbolique, des pathologies narcissiques qui explosent littéralement etc. Son enthousiasme d'anthropologue plus que de philosophe, à mon sens, passe à côté des enjeux liés à la transmission. Il n'est pas tout d'avoir accès à des bibliothèques chez soi. Encore faut-il savoir lire et avoir un désir d'apprendre quelque chose.<br /> <br /> La problématique du désir dans un monde saturé d'informations et d'objets est cruciale. Quant à la disparition des guerres en Europe, j'avoue nourrir des doutes profonds...<br /> <br /> La discussion n'est pas close.
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C
Merci, chère lilith, de me ramener les pieds sur terre ! ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> C'est beau d'être un corps humain.
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L
"Qu'on me disent quel était..la proportion" monsieur Cédric...seriez vous dans la lune...lol<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à monsieur Serres, il en faudrait plein des comme ça, moi il me régale. Sa voix ! que j'aurais adoré l'avoir comme professeur !<br /> <br /> c'est merveilleux d'être comme ça à son âge.<br /> <br /> <br /> <br /> Le cerveau humain a toujours été en évolution, par sa plasticité incroyable et unique parmi les espèces voisines, qui lui donne une grande faculté d’adaptation. et cela grâce à son corps et plus particulièrement son système osseux.<br /> <br /> Dans les découvertes des ossements humains / hominidés les plus anciens il est toujours là, le fémur et son col du fémur. Trivial que tout cela messieurs dames ?! que nenni ! cette singularité du fémur humain, (et de la position de la boîte cranienne à l’autre bout de la colonne)a vraisemblablement donné au cerveau, par son mécanisme pulseur, stimulant, dynamisant de tous les systèmes s'y rattachant (liquidiens entre autres) la possibilité de se développer, en conservant le reptilien et le limbique mais en les prolongeant du cortex préfrontal, rendue possible la parole, et engendré l'état d'inachèvement neurologique du petit d'humain à la naissance, avec toutes les conséquences que cela a eu.<br /> <br /> Et dans l'évolution de l'humain actuel ce ne sont pas les virages que prend la modernité qui me font peur c'est l'abandon, l’assèchement de ce potentiel là dans l'usage quotidien de son corps, qui lui n’a pas changé dans ses structures profondes.<br /> <br /> Un livre qu'on touche, qu'on palpe avec toute la main, (si important le lien main cerveau !) et qu'on respire ! ce n'est pas comme une pression qu'on exerce du bout du doigt sur une souris ou autre outil qui obéit presque « au doigt et à l’œil ». Alors il faut exercer ce potentiel, le faire vivre. et accueillir le changement en même temps, peut être le regarder comme on regarde un enfant faire ses premiers pas, le surveiller du coin de l’œil mais ne pas lui dire sans cesse « tu vas tomber » !
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C
Jolie ! votre dernière phrase. :-)<br /> <br /> <br /> <br /> A mon sens, l'esprit humain a toujours fonctionné ainsi : une idée en entrainant une autre, une page d'un livre renvoyant à une autre, une citation à une autre, un mot à un autre.<br /> <br /> <br /> <br /> La forme change : plus besoin d'aller dans une bibliothèque entouré de milliers de livres pour piocher dans l'un puis dans l'autre, mais le fond, la structure même du cerveau humain, cet immense réseau neuronal bouillonnant, reste la même...<br /> <br /> <br /> <br /> L'être humain n'invente pas des choses qui lui sont étrangères, il ne fait que déployer ce qu'il a en lui.<br /> <br /> <br /> <br /> C'est un animal social : il invente les réseaux sociaux. Pour ceux qui sont moins sociaux que d'autres, il suffit d'éviter ces réseaux-là...et se tourner vers d'autres richesses dont regorge internet, par exemple des endroits comme ici ! ;-)
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S
Oui, cher Cédric, en se déplaçant progressivement du papier vers l’écran, les pratiques de lecture, de l'écrit et ce faisant, l’esprit du lecteur s’adaptent et se transforment immanquablement. La lecture numérique où domine la lecture instantanée, de surface, rhizomique (en réseau) et fragmentée, ne sollicite pas le même effort « intellectuel ».Au grand dam de certains, elle n’est pas pour autant plus facile, car elle est beaucoup moins aisée selon moi pour vivre et éprouver le déroulement de l’histoire. Je ne suis pas tout à fait convaincue qu’une logique de renvois infinis, c'est-à-dire « de clic en clic » accroisse la réflexion.Elle met, tout au plus, le lecteur dans une posture ou expérience sensori motrice singulière, inhabituelle.<br /> <br /> Augmenter nos capacités de lectures (somme de contenus sur le net) ne revient pas à augmenter notre capacité cognitive, si nous entendons par là l’apprentissage d’une logique argumentative qui passe de prime abord par une appropriation du texte pour donner suite à une possible interprétation et discussion personnelles. Lire, c’est investir les textes et ne pas nous laisser dominer par la tentation frénétique des liens hypertextes. Et pour en sourire, « un clic sans déclic » n’est que ruine de l’âme !
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C
A Sibylle > Abandon de l'écrit ? Vous voulez dire du "livre classique". Internet regorge d' "écrit", chaque ordinateur connecté à internet va devenir à lui seul une bibliothèque contenant tous les livres du monde.<br /> <br /> <br /> <br /> Quant à l'intérêt porté à cet "écrit", le nombre d'humains qui s'y intéressent est de plus en plus important. Qu'on me disent quel était au Moyen Âge, puis au fil des siècles suivants, la proportion de la population qui était familière des livres, ça ferait taire plus d'un grincheux...
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S
Comme il est difficile de prendre du recul avec cette génération « Petite poucette » ou baptisée par la plupart des médias en « Y ». En l’observant, nous nous sentons déjà presque vieux, hors jeu même. Le monde de « Petite Poucette » n’est pas le nôtre, celui qui nous a vu grandir, devenir nous. De fait, faut-il en convenir, c’est un véritable séisme culturel auquel nous assistons. <br /> <br /> Ce sont, soit disant NOS enfants et pourtant il semblerait que nous ayons mis au monde des « organismes » génétiquement modifiés par un environnement technologique qui nous dépasse et les façonne en même temps. <br /> <br /> De ce fait, physiologiquement, il n’est pas impossible que les traditionnels hémisphères droit et gauche du cerveau de nos petits poucets se développent et fonctionnement autrement. A l’instar du savant fou, posons-nous la question. Serions-nous parvenus à produire un cortex cérébral à dominantes égales ou aurions-nous provoqué une sorte de lésion irréversible de l’hémisphère gauche : centre du langage et des mouvements de l’écriture ? Si la crise est observable, l’identification de ses causes est, nonobstant encore floue, trouble, car multi- factorielle, son fond est mouvant, et surtout terriblement vivant. <br /> <br /> Malgré cela, force est de constater que l’abandon de l’écrit et du langage académiques au bénéfice d’une nouvelle forme de communication immatérielle trace les lignes de force propice à l’apparition d’un nouvel humain. Un rien « mutants » ces nouveaux jeunes fondent leur propre révolution sociale et politique sans savoir où ils sont, sans savoir où ils vont. <br /> <br /> Pour autant, j’ignore à cet instant s’il nous faut parler de fracture ou de rupture totale avec tous nos repères, somme toute très traditionnels. Ce qui m’apparait clairement au regard de cette nouvelle génération est ceci : « son héritage n’est précédé d’aucun testament ». C’est un fondement sans fond sans clarté matricielle, ni originelle. <br /> <br /> Faut-il, derechef s’en réjouir ou bien s’en attrister ? Bien malin celui qui pourra établir un quelconque jugement sur une échelle de valeurs qui reste de toute façon à venir. La révolution est en marche. Certes, nous avons programmé sa naissance mais sans aucune sauvegarde, pas même une carte mémoire. Naissance d’un logiciel libre avec le « Petit Poucet », libre de toute obligation à l’égard de « ses ayants- droit » et probablement aussi de celle des générations futures...
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C
Il a mal choisi le nom de baptême "Petite Poucette" ça restera pas. "Envoyer des sms avec son pouce" ça va devenir très très vite obsolète. On prend les paris ? ;-)<br /> <br /> <br /> <br /> Quant au fond, il y a du vrai, il y a du faux, chacun pense ce qu'il veut, lui comme un autre.<br /> <br /> <br /> <br /> Ceci étant dit, j'apprécie son enthousiasme, ça change de tous les grincheux pour qui tout ce qui est neuf est mauvais.
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