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DEMOCRITE, atomiste dérouté
30 mars 2021

Mécanismes de défense et philosophie

 12 mécanismes de défense inconscients - Psychologue.net

La psychanalyse enseigne qu'il existe des structures psychiques exprimant les plus grandes difficultés vis-à-vis de  tout changement, et certaines se condamnent même à la fixation répétitive, sans quoi le sujet risquerait de fortes décompensations. Dans ce type de cas, la personne peut mener son existence avec une relative stabilité et assurance à condition qu'aucun élément affectif puissant, aucune modification inattendue ne viennent réouvrir des plaies enfouies sous l'imposant système de défenses mis en place. L'avantage de ces mécanismes, en réaction à des souffrances refoulées, est de garantir une forme de régulation adaptative pour assurer la cohésion de l'appareil psychique et la réduction des tensions accumulées. L'inconvénient est du côté de la solitude dans laquelle la subjectivité se voit contrainte de se réfugier pour résister à la possible invasion d'affects indésirables.

Nombreux sont ceux qui souffrent de cette incapacité à créer véritablement des liens tant ils demeurent captifs d'une pluralité de résistances, d'autant plus coûteuses et pénibles qu'elles sont toujours inconscientes. Certaines personnes usent, par exemple, d'isolation, en écartant purement et simplement l'affect censé accompagner une représentation. C'est par exemple le cas d'une femme maltraitée dans son enfance qui pourra évoquer son drame sans éprouver le moindre sentiment, comme s'il s'agissait de quelqu'un d'autre. L'affect qui n'a pas disparu circule ailleurs, par déplacement, mais se trouve complètement décorrélé de la représentation.

Un autre mécanisme défensif est la fantasmatisation des pulsions, processus par lequel l'élaboration de scénarios (pré)conscients ou inconscients met en scène des idéaux dont l'individu a besoin pour braver ses propres interdits, en évitant habilement de passer à l'acte. Ce fonctionnement qui lève provisoirement la censure lui évite toute confrontation à la réalité. L'inconvénient réside ici dans le coût psychique de ces productions particulièrement énergivores. La conséquence redoutable est de ne rien changer à sa propre structure en trouvant des compensations uniquement imaginaires, par exemple rêver intensément d'une relation romantique en soumettant méthodiquement tous les secteurs de son existence à une comptabilité quasi-administrative de telle sorte que le scénario fantasmé ne se réalise jamais.

Le déni, mécanisme commun, est un mode de défense révélé par le comportement fétichiste selon Freud. Il s'agit de perpétuer une attitude infantile dont la source serait liée à la découverte traumatique de la différence des sexes et à l'angoisse de castration qui en découle. Cette expérience originelle est un des premiers traumatismes dans lequel le réel s'impose à la psyché et ne peut se résorber ici que par un clivage du moi. Le fétiche joue alors le rôle de substitut pénien comme l'argent, l'achat d'une voiture, d'une maison, de divers objets servant de supports puissamment investis afin de lutter contre l'angoisse. Refus de la mort, de la maladie, de la perte, de la séparation, du deuil, de la grossesse, bref de tout rapport à la réalité en tant qu'elle fait retour à une expérience archaïque de crainte majeure de disparition. Freud pense identifier dans ce mécanisme un élément important à l'oeuvre dans les psychoses. Le déni protège contre le retour de l'expérience traumatique mais au prix d'un clivage qui là encore maintient la subjectivité dans un rapport double d'adaptation d'un côté à la réalité (investir dans sa maison, dans son travail etc.) et de l'autre d'une production hallucinée vis-à-vis des pulsions à l'oeuvre.

La philosophie elle-même peut être un refuge commun pour une structure pathologique trouvant dans l'intellectualisation (développée par Anna Freud) le moyen d'échapper par les idées, la logique et la rationalisation à l'intensité affective qui, de cette façon, demeure inaperçue, tout en se laissant magiquement saisir par une pulsion de maîtrise. Nietzsche avait habilement fait remarquer que "toute connaissance est reconnaissance", effort pour ramener de l'inconnu à du connu, pour réduire au silence le caractère incertain qui tenaille la vie psychique à commencer par des représentations angoissantes.

Ainsi, sous des dehors vitrifiés par la conceptualisation, par un jargon au service d'un idéal de contrôle, bien des attitudes dites philosophiques sont en réalité des entreprises théâtrales n'ayant d'autres buts que d'échapper à l'angoisse produite par les conflits souterrains. A ce niveau, c'est bien la nature réelle de la prétention à philosopher qu'il faut interroger. L'investissement dans la pensée est bien souvent le symptôme d'une défense servant les intérêts du moi sous le prisme des valeurs, autant d'alibis pour échapper à la morsure d'un surmoi tyrannique et culpabilisant. Il suit de là que la raison si souvent louée par de prétendus philosophes dissimule une mécanique bien verrouillée au service d'une vérité d'autant plus promue qu'elle déguise avantageusement les ressorts véritables de leurs auteurs. "Les vérités sont des illusions dont on a oublié qu'elles le sont" note avec finesse l'auteur du Voyageur et son ombre (Nietzsche)

La haine suscitée par la psychanalyse et la théorie de l'inconscient illustre assez bien la défense projective : attaquer pour se protéger de ce qu'on pressent en soi-même. Et pourtant, c'est bien dans les entrailles de notre enfance oubliée que le réel a inscrit sa marque indélébile, déchirant l'unité primitive, plaçant irrémédiablement l'humaine condition sous le sceau de la division et de l'incomplétude. Si l'entreprise de vérité peut ici prendre sens, ce n'est pas dans une posture discursive mais dans la découverte de quelques sillons qui structurent notre propre inconscient. Cette enquête archéologique est un authentique "commencement" philosophique. Car c'est de sa propre énigme dont il s'agit. Mais aussi de ses rigidités mentales qui interdisent de nouvelles explorations et des rencontres véritables, donc nécessairement risquées. Ce risque prend sens avec le désir de rencontrer le désir de l'autre, ce qui ne va pas sans une authentique curiosité à l'égard de son propre désir. Celui ou celle qui cède sur son désir renonce à penser, à philosopher, et pour le dire plus gravement, il ou elle renonce à aimer véritablement et se condamne à la répétition.

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Commentaires
D
Merci chers Amis pour vos remarques. La question de la vérité est en effet un enjeu. Mais elle ne peut se poser qu'à partir du désir du sujet soucieux de sortir de la répétition. C'est là que le travail devient non seulement utile mais aussi nécessaire.
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G
Belle démonstration en effet. De quoi se défend-on ? De la vérité. "Je ne veux pas savoir" - ce qui signale en contrepoint une certaine prescience de ce qu'on ne veut pas savoir, ou du moins d'un certain lieu psychique où ça coince : je ne suis pas sans savoir, tout en ne sachant pas clairement. Cela donne la mesure du travail requis pour avancer vers la vérité.
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M
Magistrale démonstration de nos difficultés à progresser dans l'existence. <br /> <br /> Aujourd'hui, le confinement rebat les cartes et nous impose d'autres luttes.<br /> <br /> Amitiés, Max.
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X
À mon avis, Freud et Jung ont tout à fait raison et se complètent très bien comme une pièce de monnaie a deux faces et pour le dire simplement Freud à regardé vers le bas alors que Jung à regardé vers le haut. On peut par exemple analyser un même rêve selon Freud ou Jung voir comme un voyage quantique. Il y a intrication.
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