La joie du marcheur
Mirage du réel, Démocrite
Marcheur, vois-tu où te mènent tes pas ? Sais-tu seulement l'errance vitale qui te porte confiant et ensauvagé à la lisière d'une indicible énigme ? Ton audace n'est rien sans l'épreuve de la divinité qui t'enveloppe et te submerge de part en part. L'heureuse et inexorable apparition de la brume abolit tout objet et te livre en pâture aux assauts tragiques de l'éphémère : en ces lieux, tu meurs et renais mille fois. A chaque expiration, à chaque prise d'air, tu te rapproches un peu plus des choses sans raison que rien ne contient. L'aurore commence avec la décomposition de l'idée et l'incinération de la pensée. C'est au crépuscule que la joie se fait jour, à l'heure où le temps s'effondre sur lui-même et qu'une parcelle d'éternité t'inflige la nécessité du retour. Alors, la misérable domesticité qui te lie au monde d'en-bas te rappelle à ta condition et suscite en toi l'espoir de revenir vivant sur tes pas.
Au bord des brumes, Démocrite